•  

    Cher Antonius,

    Je suis très mal à l'aise ces derniers jours: une amie m'a traité de "snob terroriste" en public! Je ne ressens aucun gêne pour être snob mais "terroriste" depasse à mon avis les bornes. J'accepte volontiers qu'on m'accuse de tyrannie, mais le terrorisme n'est vraiment pas ma tasse de thé. Et maintenant c'est mon club de bridge qui tente de m'évincer, je n'ai pas été conviée à la dernière réunion de mon Rotary Club et mon voisin (Chevalier de la Croix de Malte) ne me salue plus ! Socialement je suis morte !

    Pénélope B., Paris 

     

    Chère Pénélope,

    Mais qu’avez-vous donc fait pour que votre amie vous traite de telle façon ? Avez-vous peut-être oublié d’acheter le dernier Charlie Hebdo que les collector-snobs s’arrachent déjà ? N’êtes-vous pas de ce snobisme-là ? Voyons ! L’objet-culte est un des carburants essentiels du snobisme. Wikipedia le confirme : « Le posséder donne le sentiment d'appartenir à une communauté de pensée et, le plus souvent, à une élite ». Sachez alors que ce manque de votre part est rattrapable. Vous pourriez même (avec un peu de chance peut-être chez Christie's) acheter quelques vieux numéros (on y mêlant quelque snobisme de la patine) et ainsi réduire de manière très convenable (mais définitive) votre amie en silence.

    Effectivement, ce n’est pas vous, mais votre amie la terroriste ! Puisque votre réputation semble déjà sur le déclin, pourquoi ne pas profiter de l’immense liberté que cette déchéance vous accorde dans votre quotidien? « Une fois la réputation ruinée, on est beaucoup moins gêné », dit un proverbe allemand. Et les Allemands, ils en savent quelque chose.  Gardez votre sang bien au froid. Justement, pourquoi ne pas profiter du vide dans vos obligations mondaines en ville et de l’hiver et faire un saut à Megève pour renouveler votre carnet d’adresse ? Il paraît qu’il y a eu un arrivage de tout nouveaux riches russes. Les Russes sont beaucoup moins susceptibles en matière de réputation. Et n’oubliez pas votre lecture totalement adaptée à vos besoins du moment  et au lieu : Snob Extrême ! 


  •  

    Dear Antonius !

    I’m always thrilled to read the articles on your blog: my French is rather poor, but fortunately my French neighbour is always willing to translate your witty and delightful lessons in snobbism. Too bad your books aren’t (yet?) translated in English: I hope some snobby English or American editor will discover your talent! Definitely, I am a Snob. Lately my husband - who is also a Snob – told me that “threesomes” are very snobbish. Personally I’m not quite sure… What do you think? Any advice? Best regards from London, 

    Jennifer H.

     

    Dear Jennifer,

    Thank you for your encouragements! Yes, let’s hope that my lessons will be translated and published soon in the UK and the US to help the world boost its standing which is considerably going down the drain these last decades… 

    Your husband is quite right! Threesomes (called “triolisme” in French) can be very, very snobby but of course it mainly depends on the status of this “third” person your husband has in mind. For instance, if he is focused on a waitress in an Ikea-restaurant or a tattooed truck driver, I seriously doubt it. If, however, he’s thinking of a Princess of York, some British or continental duke or some author of international standing, evidently your experience will be most condescending. Hence you will need a king-size bed, especially when your husband considers a “ménage-à trois”, which means that this third person (or your husband) envisages having a long-term domestic relationship. If that were to be the case, remain calm: jealousy is terribly middle-class! Just pack your Louis Vuittons and book the most expensive cruise with your husband’s credit card or buy your own yacht with crew and some inspiring officers so you can initiate your own threesome… 


  • Cher Monsieur,

    Auriez-vous une idée de vacances pas normales ?

    Francois H., Paris 

     

     

    Mon pauvre François,

    Vous me semblez, en snobisme, un véritable débutant ! La thématique des vacances snobs est tellement vaste, que je vous proposerai bien quelque coaching à votre domicile, incognito bien sûr, afin de ne pas vous mettre dans l’embarras, mais fâcheusement, j’ai bien mieux à faire : préparer les miennes et mon déménagement  !

    Alors, brièvement, pour commencer, ne faites surtout pas la même erreur que le snob lambda : ne vous posez pas la question : qui y sera ?, mais plutôt qui n’y sera pas ?! Ce qui n’est pas, de nos jours, une mince affaire à cause de ces compagnies et de leurs vols « low cost » qui permettent à la masse de se rendre aux quatre coins de cette planète.  Fi ! Il est donc primordial de choisir un moyen de transport plus honorable et surtout une destination qui surprend.

    Que diriez-vous de l’Albanie, terre patrie de Mère Teresa, symbole universel de la simplicité et de la modestie? Je suis certain que cela ne vous laisse pas indifférent ! En outre, le tourisme y est pour ainsi dire inexistant. Le pays jouit pourtant d’un climat adapté à toute carnation : méditerranéen sur ses côtes et plutôt rude à l’intérieur. Pour sûr : vous allez apprécier sa capitale, Tirana, et ses constructions encore délicieusement soviétiques avec  leurs ornements datant du réalisme socialiste. De surcroit, l’épouse du président albanais gère le département des statistiques du tourisme : elle sera donc très bien placée pour vous organiser quelques visites hors-circuit, on ne peut plus snobs.

    Certains déplorent  que le tourisme « rouge » soit devenu rarissime. Or un séjour en Corée du Nord s’impose. La first lady du cru, une ancienne pompom girl, serait absolument ravie d’apprendre quelques figures acrobatiques à votre compagne du moment. Tweeter (si toutefois votre nouvelle conquête, à l’instar de Madame Trierweiler, en est également une fervente adepte) y est cependant quasiment impossible : le débit y est très, très faible.

    Songez également à des séjours « thématiques ». Vous qui aimez les vacances dépouillées, pourquoi ne pas faire un tour du monde des mausolées de Mao Zedong à Pékin, de Lénine à Moscou et de Che Guevara à Santa Clara ? Terriblement « niche » ! 


  •  

    Cher Anton,

    Le printemps et l’été, mon mari ne jure que par le vélo. Quel sport pourrais-je partager avec lui ?

    CARLA B. , Paris

     

    Chère Carla,

    Pourquoi diantre voulez-vous absolument vous joindre à votre mari pendant ses activités sportives ? Mener vos gens, veiller à l’éducation de votre progéniture, les rendez-vous chez le coiffeur, la manucure, l’esthéticienne et le masseur : c’est déjà un miracle que vous trouviez encore du temps pour vos propres passe-temps et autres occupations professionnelles.

    Soit !  Si vous souhaitez vraiment faire du vélo, sachez que le protocole ne s’y oppose point : Maxima des Pays-Bas en fait régulièrement avec son époux. Le mieux serait, afin de ne pas vous fatiguer davantage, de vous procurer un « tandem ». Son grand atout est qu’il n’y aura ni différence de vitesse ni compétition entre vous : celles-ci pourraient occasionner des frustrations surtout si votre époux manifeste une excitabilité supérieure à la normale. L’engin s’avère très convivial et un moyen de locomotion très apprécié par les reines hollandaises précédentes, Juliana et Beatrix, qui aimaient à se muscler les mollets en pédalant à deux, avec leur prince-consort. Pour votre gouverne : la Maison d’Orange-Nassau semble avoir une prédilection pour la marque Gazelle. Une de ses princesses a même accordé à ce fabricant le droit d’ajouter une couronne royale à son logo, ce qui a considérablement augmenté le snob-appeal de cette « petite reine ». Si vous êtes une snob de la patine, je vous conseille le modèle de 1936, laqué noir avec selles en cuire véritable, incontestablement plus élégant que ces tandems VTT, leurs selles en plastique et leurs cadres souvent de couleurs hideuses et fluorescentes, qui n’iront pas forcément avec vos petits ensembles dans des camaïeu de beige. Afin de calmer le zèle de votre mari, broyez quelques sédatifs dans son bidon d’eau ou remplacez-la par une tisane de valériane. Vous pouvez aussi, puisque je suppose qu’il convoitera la place du « capitaine », freiner sans qu’il s’en aperçoive, si la vitesse ne vous convient pas.  La position arrière est la moins pénible car le gabarit du « capitaine » vous protègera contre le vent, la pluie, les pollens et les petits insectes qui sont bien souvent la cause de yeux irrités. Néanmoins, considérant la posture de votre époux, prévoyez des lunettes de soleil.

     


  •  

    Bonjour Anton,

    J’imagine que vous ne lisez pas Direct Matin… Vous savez le « journal » pour les gens qui s’entassent dans le métro à la même heure ! Mais là il faut que vous lisiez cet article.

    Laurence

     

    « L’entrée en vigueur du mariage homosexuel au Royaume-Uni, le mois prochain, va entraîner des changements pour la monarchie britannique. Selon les règles en vigueur actuellement, si le roi d’Angleterre se mariait avec un homme, ce dernier hériterait automatiquement du titre de « reine d’Angleterre » (la réciproque étant valable si la reine d’Angleterre se mariait avec une femme). Et cet état de fait s’appliquerait à tous les niveaux : un homme pourrait devenir « princesse de Galles », « duchesse », « comtesse », etc. Une situation qui a incité les législateurs à se plonger dans des textes vieux de 729 ans, afin d’y apporter des amendements, qui doivent être entérinés cette semaine par le Parlement. En revanche, si le fait de coucher avec le conjoint de la reine d’Angleterre sera toujours considéré comme un « acte de haute trahison », ce ne sera pas le cas si quelqu’un avait un rapport sexuel avec le conjoint du roi d’Angleterre (ou la conjointe de la Reine). » 


  •  

    Cher Antonius,

    Comment se débarrasser (avec élégance) de mes enfants durant l’été ?

    Victoria B., Paris-Londres-Los Angeles

     

     Chère Victoria,

    Déposez-les en stage chez un chamane inuit (c’est ultra snob) au Groenland, en leur jurant sur tous ce qui vous est le plus cher, c’est-à-dire eux, que l’expérience en fera des Harry Potter en puissance. Ils vont adorer ! Encore aujourd’hui tous les enfants aiment rentrer à la maison crottés, les vêtements déchirés, couverts de boue et les ongles sales : l’enfant affectionne particulièrement le contact avec la terre et la nature. Alors, pourquoi ne pas les inscrire à des cours privés qui les initieront aux charmes des fouilles historiques dans une forêt vierge au Pérou, ou à des recherches de fossiles aux fins fonds de la Sibérie ? Je suis certain que Wladimir Poutine, toujours friand d’accueillir des célébrités, vous aidera volontiers à obtenir les visas nécessaires. Ils seront également enchantés de participer à un stage d’orpaillage en Laponie, où ils seront logés, de façon très authentique, chez l’indigène dans une tente en peau de renne, où ils goûteront au lait de renne, au beurre de renne, au salami de renne, au renne fumé, aux hamburgers (au renne, évidemment) et bien d’autres spécialités locales car il est important de développer leurs jeunes papilles. Si vous ressentez quelque résistance, argumentez votre décision en leur racontant que le dernier tsar conviait chaque année le tsarévitch et les grandes-duchesses dans une hutte dépourvue de tout luxe, afin d’éviter qu’ils ne s’amollissent pas trop. En effet, personne ne sait de quoi l’avenir sera fait. Si cela ne peut être saisi par leurs petits esprits, signalez-leur que le campement lapon est à proximité du village du Père Noël. Vous verrez : ils auront hâte de vous quitter !

    Ensuite : oubliez-les. A moins que le chamane ou monsieur Poutine ne leur confie quelques peaux de phoques ou de zibeline, qu’ils ne tombent réellement sur un trésor inca, un cimetière de mammouths (et leurs dentitions) ou un gros filon d’or. Dans ce cas,  récupérez leurs trouvailles, vous les encouragez à y rester (il est important de les stimuler comme enseignent les pédopsychiatres) et vous retournerez dare-dare sur votre chaise-longue au bord de votre piscine, en les oubliant une nouvelle fois. C’est aussi simple que ça ! 


  •  

     

    Allo, Dr Snob ? Mais que lire l’été sur la plage, quoi ?

    Nabila, Paris

     

    Chère Nabila,

    Vous me voyez ravi de savoir que le snob intellectuel n’est pas mort ! Incontestablement, certaines lectures sont snobs et d’autres ne le sont point. Sachez, et cela vaut pour tout ouvrage, que le choix du titre est fondamental. Pourquoi ? Parce que cela doit impressionner votre entourage. Imaginez qu’on vous surprenne avec un livre intitulé Poussin a perdu son doudou, sans doute seriez-vous gênée. Cependant, si ce titre vous séduit tout de même, il sera préférable que vous le couvriez habilement d’une jaquette plus allusive, telle que Fondation de la métaphysique des mœurs de Kant ou Pensées du philosophe Lichtenberg. N’ayez pas peur de choisir des titres qui vous paraissent intimidants, car comme dit ce dernier : « Un livre est un miroir. Si un singe s’y regarde, ce n’est pas l’image d’un apôtre qui apparaît. » Ainsi, vous pourriez même feuilleter ces œuvres teutonnes, toujours avec un naturel surprenant, en version originale, ce qui sera du meilleur effet.

    Sachez également que l’épaisseur du livre mérite d’être considérée. Là non plus, il n’y pas de raison de paniquer : un grand nombre de livres volumineux ont été adaptés pour le cinéma et la télévision, ce qui vous évitera de longues journées de lectures accablantes. Certes, les livres dits « de poche » sont pratiques pour la plage, néanmoins certains snobs culturels s’y opposent.  Cela est compréhensible : ils abhorrent le partage et considèrent les versions « poches » comme l’éruption d’une sous-culture. Et dans le droit fil, vous éluderez les périodiques voyeuristes de goût plébéien produits de presse à scandale. Vogue et Vanity Fair sont les seules valeurs sûres, que vous harmoniserez subtilement avec le Monde Diplomatique.

    L’idée de vous faire huiler le dos par un auteur à la mode ou ayant gagné quelque prix littéraire vous enchantera peut-être. Une plage privée serait alors souhaitable afin de déjouer les chasseurs d’autographes. Contactez les agents d’Houellebecq et de Levy ou appelez éventuellement le standard de l’Académie Française. Notez toutefois que les académiciens  sont souvent déjà fortement patinés : prévoyez un parasol. Et n’omettez pas d’emporter, outre votre lait de bronzage et votre shampoing, un dictionnaire français dans votre sac de plage. 


  •  

    Message reçu sur ma page Facebook de Johannes von B. :

    Seit ich 1999 ihr Snob-Buch im Reclam Verlag gelesen habe, sind Sie einer meiner Lieblingsautoren, v.a. derjenige, der mich in praktisch-philosophischen Dingen und Lebensfragen am meisten inspiriert hat! Meine besten Wünsche, v.B.

    (Traduction : « Depuis que j’ai lu votre livre pour snobs publié par les éditions Reclam en 1999, vous êtes un des mes auteurs favoris, surtout celui qui m’a inspiré le plus en matière de « philosophie pratique » et questions existentielles ! Mes salutations, les meilleurs »)


  •  

    Cher Monsieur,

    Votre Petit Traité de Snobisme est une pure merveille ! Enfin un manuel de savoir-vivre qui ose dire les choses et qui traite le protocole « enfantin » avec humour et finesse ! Je me suis régalée !

    Pourriez-vous me conseiller quelques sorties « snobs » pour mes enfants de 7 et 9 ans  ? Merci infiniment !

    Madame F., Neuilly

     

    Chère Madame,

    Merci de votre courrier. Voici quelques suggestions ultra-snobs pour divertir votre progéniture : « Siegfried et l’anneau maudit » (une version enfantine du « Ring » de Wagner à l’Opéra de la Bastille), les salons littéraires (L’espace P’tite Scène du Salon de Livre propose des ateliers « Manga », « BD » ou encore une introduction à la philosophie, des lectures et des rencontres avec des auteurs et des illustrateurs) ou une visite du château de Breteuil, vieux de quatre siècles et habité par un véritable marquis ! En résumé : on n’est pas à Disneyland ! Ou hantez quelque quartier  « bobo » et faites une halte à la boutique La Truite Enchantée, 80 rue de Bagnolet. Sa gérante vient, enfin, de déballer ses emplettes merveilleuses  faites au Salon du Jouet de New York ! 


  •  

    Cher Anton,

    Je tente de profiter de cette magnifique station de Chamonix... Est ce suffisamment snob d'être pratiquement seule à skier entourée de Russes?

    Marion, Chamonix

     

    Chère Marion,

    Je dois vous decevoir et j'en suis fort désolé... Non, non et non! Vous auriez dû me demander avant de partir afin que je vous communique des stations Russian-free ! Le seul moyen d'y faire face et de sauver votre réputation est de feindre être Russe vous-même ! Une princesse, par exemple, ou une nièce de Poutine. Je suis sûr que vous allez y réussir ! Bon ski! 





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique