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    Selon Nelly Kaprélian, dans un article publié sur www.lesinrocks.com., le critique littéraire n'a qu'une consolation : être snob « comme un pot de chambre ». En étant elle-même (critique littéraire et snob), elle nous dévoile cinq snobismes essentiels.

    Snobisme n° 1 : Philip Roth : « Car Philip est très difficile quant aux interviews qu'il donne (avec parcimonie) à la presse française ». Ainsi, un dîner avec cet écrivain vous place forcément parmi les snobs littéraires les plus convoités. Ou, « Encore plus chic : conserver une mèche de ses cheveux dans son agenda... »

    Snobisme n° 2 : Il faut lire très, très vite :  "J'ai relu Guerre et Paix la nuit dernière." Notez également que le critique ne lit jamais des classiques, il les relit.

    Snobisme n° 3 : Aimer les autres critiques littéraires, « même s’il a des réserves » et qu’il trouve son confrère peu crédible.

    Snobisme n° 4 : Aimer les écrivains morts, puis, éventuellement, écrire un livre sur son auteur défunt préféré, qui s’appellera "mon Voltaire »,  "mon Rousseau", "mon Pascal" ou encore "mon Hemingway".

    Snobisme n° 5 : toujours avoir « son petit quelque chose à dire » sur les nouveaux livres de Christine Angot et Philippe Sollers : « Avec Sollers, c'est ultrasimple : il est toujours d'un goût exquis d'en dire du bien. Mais Angot... Faut-il continuer à en dire du mal ? Où en est la tendance exactement ? »

    En effet, ce n’est pas simple de connaître les tendances actuelles, maintenant que le snobisme des salons littéraires tenus par quelque femme du monde, qu’ils soient Rive-Gauche ou Rive-Droite, académiques ou avant-garde, appartient au passé.  


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    Extrait de Snob Appeal - Lo Snobismo dei Sensi

    « Toutes les femmes fidèles sont des enquiquineuses. Elles vous enquiquinent parce qu’elles n’ont pas eu l’occasion d’être infidèles, ou bien parce qu’elles l’ont laissée passer. » écrit l’auteur américaine Dawn Powell dans sa nouvelle The Locusts Have No King (Les sauterelles n’ont pas de roi) en 1948.

    Il faut toutefois observer que l’infidélité fut longtemps réservée à l’aristocratie et que seulement les dames bien nées n’avaient pas besoin d’excuses pour leurs escapades amoureuses. Prenons l’exemple de Madame Bovary qui était, à sa sortie, considéré par la bourgeoisie comme un roman pornographique. En effet, ce qui se passe entre Emma Bovary et Léon pendant les quatre heures où ils se trouvent en calèche pour Rouen semble évident. Le plaisir d’amour, « cette fièvre de bonheur », ce « quelque chose de merveilleux, où tout serait passion, extase, délire… » finit par « toutes les platitudes du mariage ». Car Emma, grande snob, s’ennuie, du début jusqu’à la dernière page du roman. Appelé Histoire des adultères d’une femme de province par l’avocat impérial dans son réquisitoire, celui-ci accuse: « La médiocrité domestique la poussait à des fantaisies luxueuses, les tendresses matrimoniales en des désirs adultères ». Dans sa plaidoirie, Me Sénard, l’avocat de Gustave Flaubert, répond : « Quand on nous les montre heureuses, charmantes, enveloppées de mousseline, présentant une main gracieuse à des comtes, à des marquis, à des ducs, que souvent elles répondent elles-mêmes au nom de marquises ou de duchesses : voilà ce que vous appelez respecter la morale publique. » 

     


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    « (…) J’étais assis à côté de Salomon Rothschild et il m’a traité tout à fait comme son égal, d’une manière tout à fait famillionnaire. »

    (Heinrich Heine, Bains de Lucques)

    Cette phrase, nous explique Sigmund Freud dans Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Heine l’a mise dans la bouche d’un personnage comique et très snob, un nommé Hirsch-Hyacinth, taxateur à Hambourg et valet de chambre chez le très distingué baron Cristoforo Gumpelino, dont les titres de noblesse sont cependant douteux. À bien des endroits, nous constatons que c’est Heine lui-même qui nous parle, qu’il s’agit d’une auto-parodie. Hirsch expose par exemple les raisons pour lesquelles il a abandonné son ancien nom et se donne celui d’Hyacinth. « En outre », poursuit-il, « j’ai encore l’avantage d’avoir déjà un H sur mon sceau et donc ne pas avoir besoin de m’en faire graver un nouveau. »  Or cette même économie, Heine lui-même l’avait faite lorsqu’à l’occasion de son baptême (il devient catholique à vingt-sept ans), il avait changé son prénom « Harry » contre celui de Heinrich.

    Heine avait également un oncle du nom de Salomon qui était le riche de la famille et qui joua donc un rôle essentiel dans la vie de l’écrivain. Toutefois, ce qui dans la bouche de son personnage pourrait être considéré comme un snobisme (il se sent flatté que son oncle le traite comme son égal), révèle vite à l’arrière-plan une réelle amertume dès que nous l’imputons à son créateur. Nous savons par exemple qu’Heine avait le désir d’épouser l’une des filles de cet oncle. Or sa cousine le repoussa.  Si Heine emploie le mot « famillionnaire » c’est pour signaler que son oncle le traitait toujours « en parent pauvre ». L’écrivain en soufra toute sa vie. Et Freud ajoute : « C’est sur le terrain d’un tel état subjectif d’émotion qu’à pris naissance par la suite le mot d’esprit « famillionnaire ». 

    En conséquence, si vous, vous avez une tante ou un oncle qui vous accueille et reçoit de cette manière, parlez-en vite à votre psy. 


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    « Un pays aussi nouveau et aussi vaste, et qui est en outre en pleine formation, ne peut pas pratiquer le « splendide isolement » d’un pays vieux. »

    (Blaise Cendrars : Hollywood – La Mecque du Cinéma)

    Saviez-vous que le houx devrait figurer dans les armoiries d’Hollywood ?  Car une certaine madame Wilcox, pour baptiser les lotissements de son mari qui donnèrent naissance à ce lieu sacré en 1887, avait choisi ce nom (Hollywood= le houx), parce que cela sonne bien et parce que le houx est un porte bonheur. Pour cette même raison, la marraine d’Hollywood a fait venir, à grands frais comme elle aimait à préciser, une quantité d’arbustes de houx d’Angleterre, qu’elle a fait planter en bordure du premier lotissement. Les houx n’ont malheureusement pas survécu au climat californien (la maison de Madame Wilcox a également disparu) mais on peut toutefois constater que la ville se porte fort bien. En honneur de Madame Wilcox, il reste juste une rue plantée de poivriers du Japon et de palmiers. Il y avait-là aussi un véritable château, démoli également, qui était la résidence d’un certain Paul de Longpré, un artiste peintre français qui passe pour avoir été le fondateur de la ville en tant que centre et ville d’art. Selon les chroniques, cet aristocrate assurait la vie mondaine dans ce coin perdu de l’Amérique. Car le pays a beau prétendre d’être habité par le peuple le plus démocratique de cette planète, et même s’il ne peut pas pratiquer le « splendide isolement » d’une nation antique, il n’est pas insensible aux titres de noblesse et au snobisme.

    Les Etats-Unis sont cependant trop vastes pour beaucoup de snobs. Chaque snobisme y devient instamment une affaire de plus de 300.000.000 d’individus. C’est en effet effrayant, n’est-ce pas ?

     


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    Les interdits, nous dit Virginie Despentes dans King Kong Théorie, ont souvent leurs justifications politiques : « Le SM doit rester un sport d’élite, le peuple est incapable d’en savoir la complexité, il se fera mal. » Tel est le destin de maint divertissement : tant qu’ils sont réservés à une élite, le gouvernement et ses complices, tolèrent tous les vices de cette terre. Mais dès que le peuple s’y intéresse, la politique s’y mêle aussi. Tenez, prenez le jeu par exemple. Jadis, les casinos et les champs de courses étaient uniquement fréquentés par des aristocrates. Les lois étaient alors beaucoup moins strictes. Et aujourd’hui ? Ce ne sont ni la duchesse de Marlborough ni le énième Duc de Newcastle faisant la queue sur le trottoir de votre marchand de tabac pour y acheter un billet de loterie. Au demeurant, il en était de même pour toutes ces activités délicieusement futiles (je vous rappelle que le premier tabac arrivé en Europe était destiné à la reine Catherine de Médicis afin de soulager ses maux de tête et que le cigare fut un accessoire important dans la panoplie du parfait dandy): dès que la foule s’est mise à fumer, nos supérieurs inventèrent des lois et des impôts de plus en plus sévères afin de limiter notre consommation. Aujourd’hui on constate que les habitants de zones populaires fument plus que ceux des beaux quartiers ! C’est le monde à l’envers !  Idem dito pour les alcools et les autres substances enivrantes tolérés autrefois par les autorités à la fine fleur de notre humanité, capable d’apprécier à leurs justes valeurs un Krug millésimé, un sachet de cocaïne fabriquée par un laboratoire impeccable dans un faubourg zurichois ou une boulette d’opium expédiée par une valise diplomatique!

    Ainsi, certains snobismes sont devenus très populaires. D’autres furent interdits. Ne paniquez pas : d’autres naîtront. D’ailleurs, une toute nouvelle aristocratie est apparue depuis quelques décennies: les barons de la drogue. Les « junkies de luxe » se sont également fort propagés. C’est un toxicomane très snob car il ne fait que rarement ses courses lui-même. Soit il se fait livrer, soit il en charge son personnel. C’est pratique, surtout dans son état nébuleux d’insouciance complète et d’indifférence divine. Le junky de luxe appartient fréquemment à la jeunesse dorée. Mais l’âge n’est pas un critère. À ne pas confondre avec le clochard de luxe dont le mysticisme est plus économe et ascète : ce dernier est devenu clochard après avoir connu une vie de luxe et parfois même selon son propre gré, en prenant du recul. Il a poussé son understatement à l’extrême, comme le comte Tolstoï par exemple. Peut-être avec un penchant léger pour le SM, mais c’est malgré cela un clochard « romantique ». Entre-temps une nouvelle variante a vu le jour: le clochard de luxe « occasionnel ». Car il y a maintenant des « nouvorich » prêts à dépenser 10.000 $ pour « jouer » au serveur de bistrot, au contrôleur de bus ou au clochard flânant dans le quartier très mal fréquenté de la gare centrale à Moscou. L'agence, qui organise de telles excursions dans la pauvreté, veille à votre confort: vous aurez même quelques cours de vocabulaire, y compris l'affublement qui rendra le personnage plausible, et une douzaine de gardiens qui garderont un œil sur vous. Elle propose aussi des séjours comme clochard dans les rues de Paris ou comme pauvre musicien de rue sur la place Saint-Marc à Venise.

    Au demeurant, (avis aux amateurs de SM et autres snobs extrêmes) : notez que les anciens bureaux et salles de torture du KGB à Moscou se sont transformés en restaurant et discothèque huppée. Les vacances au goulag sont toujours très prisées par ceux qui se sentent lassés par Gstaad. La Sibérie est un endroit parfait pour une retraite spirituelle (plus audacieux et moins barbant qu’un couvent idyllique dans une vallée perdue du Danube) ou une cure d’amaigrissement (plus efficace que ce sanatorium élégant et chic, avec spa et vue sur la Mer Baltique). Quant aux cliniques connues sous l’enseigne Betty Ford, autrefois rendez-vous mondain du jet-set gâté et endommagé, de nos jours, elles sont inondées de stars et de people franchement pas fréquentables du tout, qui espèrent ainsi racheter leur innocence et leur fraîcheur, ou se faire pardonner les goujateries commises. Or la presse « glamour » eskimo n’existe pas et le risque de rencontrer un paparazzi sur la banquise est ainsi quasiment nul. Il faut toutefois y prévoir son propre personnel (coach, psy, infirmière, médecin généraliste, etc.), sans omettre quelques amis chasseurs, qui vous y seront fort utiles. Eventuellement, si vous appréhendez une rechute potentielle, parlez-en préalablement à votre barman attitré, à votre sommelier favori ou à tout fournisseur habituel, car certains alcools et substances supportent moins bien le froid que d’autres. Le champagne sera néanmoins toujours au frais! 

     


  • "Quant à la marquise de Montespan, elle assista elle-même à plusieurs messes noires, afin de faire disparaître ses concurrentes, durant lesquelles ses amies sorcières inventèrent des « poudres pour l’amour », faites de dents de taupe, d’ossements calcinés de crapaud, de prunes sèches, de poussières humaines, de sang de chauve-souris et de limaille de fer. Je vous l’accorde : c’est beaucoup plus snob que le Viagra, certes, mais il faut préciser que ces philtres luxurieux empoisonnèrent  gravement son roi chéri au lieu de l’exciter !"

    (Extrait de "Snob-Appeal - Lo Snobismo dei Sensi" par Antonius Moonen) 

     


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    « Le snobisme fait faire aux gens du monde autant de vilaines actions que la misère au malheureux. » (Robert de Flers et Francis de Croisset dans Les Précieuses de Genève)

    Le premier, marquis de surcroît, employa pour secrétaire le jeune Gaston Gallimard himself et devint directeur littéraire du Figaro. Le deuxième obtint une particule (il s’appelait Franz Wiener en réalité) du Conseil d’état français (il était Belge) pour mieux s'intégrer à la société mondaine parisienne et se mariera ensuite avec l’arrière petite-fille du marquis de Sade (et mère de Marie-Laure de Noailles).

    En conséquence, ces deux dramaturges ne me semblent nullement des personnages appropriés pour nous accuser de « vilaines actions » ! Comparer le snobisme à la misère ! De grâce! Que ce soit une plaidoirie ou un réquisitoire : dans les deux cas, la comparaison est très vilaine! 

     

     


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    J'suis snob par Boris Vian

    J'suis snob... J'suis snob
    C'est vraiment le seul défaut que je gobe
    Ça demande des mois de turbin
    C'est une vie de galérien
    Mais lorsque je sors à son bras
    Je suis fier du résultat
    J'suis snob... Foutrement snob
    Tous mes amis le sont
    On est snobs et c'est bon
     
    Chemises d'organdi, chaussures de zébu
    Cravate d'Italie et méchant complet vermoulu
    Un rubis au doigt... de pied, pas celui-là
    Les ongles tout noirs et un très joli petit mouchoir
    J'vais au cinéma voir des films suédois
    Et j'entre au bistro pour boire du whisky à gogo
    J'ai pas mal au foie, personne fait plus ça
    J'ai un ulcère, c'est moins banal et plus cher
     
    J'suis snob... J'suis snob
    Je m'appelle Patrick, mais on dit Bob
    Je fais du cheval tous les matins
    Car j'adore l'odeur du crottin
    Je ne fréquente que des baronnes
    Aux noms comme des trombones
    J'suis snob... Excessivement snob
    Et quand je parle d'amour
    C'est tout nu dans la cour
     
    On se réunit avec les amis
    Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
    Il y a du coca, on déteste ça
    Et du camembert qu'on mange à la petite cuillère
    Mon appartement est vraiment charmant
    J'me chauffe au diamant, on ne peut rien rêver de plus fumant
    J'avais la télé, mais ça m'ennuyait
    Je l'ai retournée... de l'autre côté c'est passionnant
     
    J'suis snob... J'suis snob
    J'suis ravagé par ce microbe
    J'ai des accidents en Jaguar
    Je passe le mois d'août au plumard
    C'est dans les petits détails comme ça
    Que l'on est snob ou pas
    J'suis snob... Encore plus snob que tout à l'heure
    Et quand je serai mort
    Je veux un suaire de chez Dior!


  • L’âne portant des reliques

     

    Un baudet, chargé de reliques,
    S’imagina qu’on l’adorait.
    Dans ce penser il se carrait,
    Recevant comme siens l’encens et les cantiques.
    Quelqu’un vit l’erreur, et lui dit :
    « Maître baudet, ôtez-vous de l’esprit
    Une vanité si folle.
    Ce n’est pas vous, c’est l’idole
    A qui cet honneur se rend,
    Et que la gloire en est due. »
    D’un magistrat ignorant
    C’est la robe qu’on salue.

     


  • Le geai paré des plumes du paon

     

    Un paon muait : un geai prit son plumage ;
    Puis après se l’accommoda ;
    Puis parmi d’autres paons tout fier se panada,
    Croyant être un beau personnage.
    Quelqu’un le reconnut : il se vit bafoué,
    Berné, sifflé, moqué, joué,
    Et par messieurs les paons plumé d’étrange sorte ;
    Même vers ses pareils s’étant réfugié,
    Il fut par eux mis à la porte.
    Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
    Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,
    Et que l’on nomme plagiaires.
    Je m’en tais, et ne veux leur causer nul ennui ;
    Ce ne sont pas là mes affaires. 

     





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