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Oncle snob
« (…) J’étais assis à côté de Salomon Rothschild et il m’a traité tout à fait comme son égal, d’une manière tout à fait famillionnaire. »
(Heinrich Heine, Bains de Lucques)
Cette phrase, nous explique Sigmund Freud dans Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Heine l’a mise dans la bouche d’un personnage comique et très snob, un nommé Hirsch-Hyacinth, taxateur à Hambourg et valet de chambre chez le très distingué baron Cristoforo Gumpelino, dont les titres de noblesse sont cependant douteux. À bien des endroits, nous constatons que c’est Heine lui-même qui nous parle, qu’il s’agit d’une auto-parodie. Hirsch expose par exemple les raisons pour lesquelles il a abandonné son ancien nom et se donne celui d’Hyacinth. « En outre », poursuit-il, « j’ai encore l’avantage d’avoir déjà un H sur mon sceau et donc ne pas avoir besoin de m’en faire graver un nouveau. » Or cette même économie, Heine lui-même l’avait faite lorsqu’à l’occasion de son baptême (il devient catholique à vingt-sept ans), il avait changé son prénom « Harry » contre celui de Heinrich.
Heine avait également un oncle du nom de Salomon qui était le riche de la famille et qui joua donc un rôle essentiel dans la vie de l’écrivain. Toutefois, ce qui dans la bouche de son personnage pourrait être considéré comme un snobisme (il se sent flatté que son oncle le traite comme son égal), révèle vite à l’arrière-plan une réelle amertume dès que nous l’imputons à son créateur. Nous savons par exemple qu’Heine avait le désir d’épouser l’une des filles de cet oncle. Or sa cousine le repoussa. Si Heine emploie le mot « famillionnaire » c’est pour signaler que son oncle le traitait toujours « en parent pauvre ». L’écrivain en soufra toute sa vie. Et Freud ajoute : « C’est sur le terrain d’un tel état subjectif d’émotion qu’à pris naissance par la suite le mot d’esprit « famillionnaire ».
En conséquence, si vous, vous avez une tante ou un oncle qui vous accueille et reçoit de cette manière, parlez-en vite à votre psy.