• Notez que le jardinage est souvent affaire de glossaire, plus que de botanique. D’abord, un véritable amateur s’exprime toujours avec des références latines. Soyez rassuré, ce penchant pour la langue de la décadence n’est pas immoral. Cela permet uniquement d’être plus détaillé dans la description de l’espèce. Quant au name-dropping « humain » : la liste des aristocrates pratiquant ce divertissement est très variée. La première altesse royale qui s’intéressa ouvertement à l’art du jardinage était un Electeur de Saxe, au milieu du XVI siècle. On y trouve aussi la princesse de Caraman-Chimay (qui conseilla longtemps la rédaction de Maisons et Jardins), Vita Sackville-West (grande amie de Virginia Woolf), la duchesse de Westminster (qui fut longtemps la conseillère de House and Garden en compositions florales), le prince Hermann von Puckler-Muskau (un dandy avant l’heure) ou encore le vicomte Georg Friedrich de Bade qui collectionnait des « Gartenmägdlein », des « petites vierges de jardin ». Il en possédait 160. Elles portaient toutes des uniformes de hussarde et le vicomte les punissait sévèrement lorsque leurs travaux de jardinage ne lui plaisaient pas.

    C’est au cours de la révolution industrielle du XIX siècle que le jardinage est devenu un passe-temps « populaire ». Londres était alors tellement polluée, que les classes moyennes commencèrent à installer des jardins ornementaux avec parterres de fleurs, buis et ifs, et même des plans d’eau, dans les banlieues. Depuis, l’horticulture est devenue un loisir à la mode et une détente pour les gens de tous milieux, y compris des snobs bobos et urbains.  Tout le monde aime plonger ses mains dans le terreau. Et pour ceux qui ne veulent pas abîmer leurs mains vertes, le Prince Jardinier a tout ce qu’il faut pour se ganter élégamment.

    Si vous n’avez pas le temps de vous instruire, alors embauchez tout simplement un architecte de jardin de bonne renommée ou séquestrez Stéphane Marie.  Il vous dira quelle végétation convient pour tel ou tel emplacement. Personnellement, je suis un grand amateur de fougères, de mousses, de lierres et d’espèces vénéneuses (bref, tout ce qui émerge dans les sous-bois ou dans les ombres des vieilles pierres), donc plutôt un jardin au nord. Mais si vous voulez qu’il vous esquisse une palmeraie, il est évident qu’il vous faudra un endroit plus ensoleillé. Ce n’est qu’une question de goût. Ou de carnation !

     


  • Dans notre univers de stress et de technologies rapides, le jardinage est un passe-temps qui aide à se relaxer. Autrefois, le jardin était le lieu favori des califes et sultans pour la sieste, en y ajoutant, selon l’humeur du moment, quelque méditation ou lecture philosophique. Le jardinage aussi est une activité « lente ». En effet, un arbre ne peut pousser plus vite en appuyant sur une télécommande. Et votre géranium n’aura pas plus de fleurs parce qu’il a 3.452 amis sur Facebook ! Or le jardinage peut nous amener à un état de sérénité, proche du stade méditatif. Toutefois, en accordant à la nature sa lenteur aristocratique, il faut aussi déboiser, désherber, bêcher, creuser, planter, fumer, râteler, arroser et tailler. Et surtout, je répète, il faut savoir patienter, car votre jardin ne peut céder à la vulgarité de la vitesse.

    Par ces temps de paupérisme généralisé, alors que l’objectif actuel est de faire baisser le prix de la construction, de rogner des mètres cubes ou des mètres carrés, d’unifier au maximum tous les éléments et d’éviter les détails trop coûteux, de vendre des espaces « atypiques » ou d’inventer des formules tel le « souplex » (rez-de-chaussée avec son sous-sol), c’est vraiment une chance singulière que de vivre en province. Dans une vieille demeure, isolée des mondanités et des laideurs, tel l’idéal musulman, qui est de vivre derrière un mur sans fenêtre, comme dans ces fermes fortifiées construites en une période si pareille à la nôtre, où tout le monde se chamaillait.

    Au XVI siècle, Noël du Fail, écrivain et juriste issu d’une famille de petite noblesse bretonne, par horreur des « brouillis du peuple », recommandait déjà que « chacun se retire en sa chacunière ». Les plus avantageux sont évidemment les propriétaires d’une chacunière tapissée de roses de Bengale, au milieu d’un cloître de charmilles taillées en voûtes d’arêtes et un vaste tapis de buis, véritable broderie découpée aux ciseaux, où tout n’est que noblesse de vivre. Et pendant les saisons froides, on s’installe au chaud dans son jardin d’hiver, au cœur de son orangerie, avec une volière baroque fréquentée par quelques oiseaux exotiques, entouré de plantes rares et onéreuses, en sirotant un rooibos bio. Ce blog vous a suffisamment démontré que le snob se soucie des arts (de la littérature à la peinture, de la musique au cinéma) : il n’est donc guère surprenant, qu’il soit sensible à l’art des jardins. Ainsi, les parcs et les jardins servaient souvent à épater leurs visiteurs. Des théâtres d’eau, des cascades, des grottes, des salons de treillage, des pilastres, des ruines, des statues, des balustrades, des contre-allées : dans le domaine du jardinage, le snobisme est illimité. Chaque jardinier est un Le Nôtre en herbe. 


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    Je sais, le printemps est arrivé ! Et l’été s’annonce chaud à cause de toute cette radioactivité japonaise ! Songez donc déjà à organiser votre séjour rafraîchissant aux Pôles car il risque y avoir foule. Voici une critique de mon Snob Extrême – Précis de fuite arctique et antarctique trouvée sur  http://www.grazia.fr/ afin de vous y préparer convenablement.

    Le guide du snob sur la banquise

    Le nouveau snobisme, c'est de partir en voyage au pôle (Nord ou Sud, ça c'est vous qui choisissez). Antonius Moonen nous offre un petit guide désopilant pour faire bonne figure au pays des ours blancs. Extraits.

    Pourquoi les pôles ?
"Après le cocooning des années quatre-vingt et le lounging de la décennie suivante, n'est-il pas temps d'instaurer la mode de l'hiberning ? (…) Quoi de mieux pour conserver son énergie et perdre les quelques kilos pris au cours de l'été ?" 
"De nos jours, vouloir atteindre le pôle Nord ou Sud, que ce soit à pied, à skis, en traîneau à chiens ou à rennes, en brise-glace ou en avion, peut être considéré comme une occupation très "dandy", et même "antihéros", car "inutile"."

    Avant le départ : 
"Lorsque l'on se prépare à une expédition vers les pôles, les obstacles – il faut en être conscient – peuvent être sans nombre : tempêtes de neige, tracteurs qui tombent en panne, manque de vivres, huskies mal entraînés, etc." Pour Antonius Moonen, le moyen de transport à privilégier reste le cheval ("tout ce qui touche aux chevaux est snob d'office" d'après le duc de Bedford) ou la limousine blanche, "si vous souhaitez vous déplacer incognito dans le blizzard".

    Sur place : 
On se met à la mode des Inuits et on se fait photographier : c'est l'occasion rêvée pour devenir "la star du prochain défilé automne/hiver de John Galliano". Peaux d'ours, de phoques, couture avec intestins de mammifères marins, ceinture avec une boucle en ivoire de mammouth… Si, si, c'est très tendance !

    PS: Evidemment, vous pouvez remplacer John Galliano par tout autre couturier de votre choix.... 


  • Certains snobs se souviennent peut-être encore de la campagne publicitaire de Perrier dans les années 1950 : "Perrier : Le champagne des eaux". Difficile y faire une surenchère !

    Il y a toutefois du nouveau pour les snobs à eau : La branche cosmétique et parfums de la Maison Dior envisage une collaboration avec un fournisseur d’eau islandais: Icelandic Glacial. Cette eau est pompée dans un bassin formé par une éruption volcanique, il y a 4.500 ans, et donc protégée de toute pollution par une épaisse couche de lave, avec une interdiction très stricte de construction, d’industrie ou d’élevage dans toute la région. Même durant la mise en bouteille, l’eau ne sera pas exposée à l’air. De surcroît, les Islandais semblent vivre plus longtemps que la moyenne mondiale et il paraît qu’ils ont la peau plus douce. D’où l’intérêt, sans doute, pour cette source de jouvence de la part de la maison référencée. Cette eau miraculeuse est en vente chez vos fournisseurs habituels (Colette, Grande Epicerie, etc.). Se faire livrer par un petit coursier de Dior ne manque évidemment pas de chic non plus. 

     


  • Dans ma famille, on la boit déjà depuis quelques générations, cette nouvelle tisane qui fait rage à Paris : le rooibos. Cette boisson est originaire d’Afrique du Sud : en afrikaans (comme en néerlandais) rooibos signifie « buisson rouge ». Les snobs horticulteurs le connaissent sous le nom d’Aspalathus linearis. Cet arbuste pousse exclusivement sur le Cederberg, une rangée de montagnes situées au nord de la ville du Cap. 

    L’infusion de ses feuilles séchées et légèrement fermentées est de plus en plus prisée, en particulier chez les snobs soucieux de leur santé, car elle serait riche en antioxydants. Pour votre gouverne : elle est en vente chez Kusmi. De plus, grâce à sa faible teneur en tanins et l’absence totale de théine, elle peut être consommée à tout moment de la journée. La préparation de cette tisane est à peu près la même que celle d’un Ceylan normal; peut-être faut-il le laisser infuser un peu plus longtemps. L'infusion a alors une couleur rouge-brun. Les Afrikaners la boivent habituellement avec du lait et du sucre. Elle peut être bue froide aussi. Au demeurant, cela se prononce "roï-boss". Afin de ne pas passer pour une brute inculte lorsque vous passez votre commande au salon de thé d’Hermès