• Voleurs snobs

     

    Des tableaux de maîtres, du mobilier design et des centaines de grands crus classés ont été retrouvés lors d'une perquisition chez un cambrioleur spécialisé dans les villas haut de gamme autour du Bassin d'Arcachon, ont annoncé hier le parquet de Bordeaux et la presse locale. En effet, généralement, les journalistes considèrent qu’il y a une vaste distance entre un vol commit dans un appartement « HLM » d’une banlieue hideuse et celui d’un appartement hautement bourgeois dans un beau quartier. Il y a là une véritable discrimination ! De surcroît, un voleur riche est appelé un kleptomane. La kleptomanie est un désir irrésistible, un challenge ou une montée d’adrénaline dont certains psychismes ont fortement besoin. C’est donc une sorte de snobisme poussé à l’extrême, juste pour le plaisir du risque, pour étonner ses amis, pour le « thrill ». Farouk, le dernier roi d’Egypte, réputé pour ses achats extravagants et son insatiabilité, était de ces "gentlemen thieves". Lorsqu’il fut détrôné et forcé à vivre en exil, on trouva dans ses armoires et entrepôts une grande quantité d’objets volés parmi lesquels une montre en or (qui avait appartenu à Winston Churchill) et un sabre de cérémonie et quelques médailles (dérobés au cadavre de l’ex-shah d’Iran dont le cercueil avait transité par Le Caire). D’ailleurs, sa  gloutonnerie l’entraîna également dans sa propre tombe : il mourut des suites d’un copieux repas.

    Parfois, on vole aussi par simple honte, comme un livre érotique ou un bréviaire du snobisme par exemple. Face au juge et jurés, votre avocat, soutenu par votre psychiatre, confirmera alors que la frustration est nuisible à l’ego de chacun entre nous et qu’il n’est jamais bon de résister aux tentations. Il existe aussi une sorte pillage qui consiste à se faire prendre en plein délit, afin de passer une nuit, ou plusieurs, dans un poste de police. Ainsi, Maurice Sachs, en 1937, ruiné et épuisé, se fait interner pour échapper à ses créanciers. Jadis, à la Bastille, les aristocrates emprisonnés décoraient leurs cellules comme « à la maison », ils pouvaient se faire suivre par leurs laquais, ils envoyaient les gardiens en ville pour faire leurs emplettes et passaient leur temps avec des lectures et jeux. De nos jours, si vous souhaitez vous faire enfermer (afin d’échapper aux paparazzi par exemple ou juste pour faire une petite cure de sommeil), évitez les régions trop urbanisées où les commissariats ne ressemblent que très rarement à un « Relais & Châteaux». Il est certain que vous seriez nettement mieux logé et nourri à la gendarmerie d’un patelin pittoresque à la campagne. Fâcheusement beaucoup de villages n’ont plus de représentants officiels sur place. Hélas ! 

    Notons également qu'en temps d’émeute, il est fréquent que l’on pille non seulement des supermarchés, mais aussi des musées. Dans ce cas, n'oubliez pas de vous faire accompagner par votre égyptologue ou papyrologue attitré.