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Les eaux snobs
Vous n’allez sans doute pas me croire, mais la plus banale et la plus insipide des boissons terrestres, qu’elle soit douce ou salée, avec bulles ou plate, dégouline littéralement de snob-appeal. L’eau ? Mais, c’est pour les canards, diront les snobs à vin. Il faut toutefois admettre que le snobisme des eaux a gagné du terrain. Le Waterbar de Colette, ses « vitaminwaters » et les eaux parfumées en sont la preuve. Une des eaux minérales la plus snob reste Châteldon, dont, selon la légende, les bonbonnes étaient transportées à dos de mulet depuis l’Auvergne jusqu’à la table de Louis XIV. L’eau bretonne commercialisée sous le nom d’Isabelle provient d’une source appelée « Source de la Reine ». Il est cependant peu probable qu’il s’agisse d’Isabelle II d’Espagne, car celle-ci ne buvait que du Contrexéville. Quant au succès mondial de Perrier, elle le doit à un membre de l’aristocratie anglaise, qui l’introduit au Buckingham Palace où elle reçut le titre ultra-snob de Fournisseur Breveté de sa Majesté le Roi d'Angleterre. Aucune marque de champagne pourrait se vanter tant !
Aux rares design-snobs en Auvergne, je conseille la bouteille de Saint-Géron. En Corse, ceux-ci pourraient se déshydrater avec l’eau de Saint Georges dont l’emballage est signé Philippe Starck. Sans oublier l’eau de Lourdes que l’on achète dans des récipients parfois très décalés.
Les snobs de la petite adresse savent sans doute déjà que la France profonde est quasiment inondée de petites sources fournissant des eaux encore délicieusement inconnues comme l’eau Dupré qu’on trouve uniquement dans quelques hameaux ardéchois.
Les eaux étrangères ? Oubliez alors les clichées comme San Pellegrino ou Bru et servez plutôt une eau exotique en provenance de l’Afrique du Sud, des îles Fiji, d’un iceberg ou des neiges éternelles, mise en bouteille au Japon ou en Patagonie. Si vous avez les facultés de vous faire importer une eau rare du Caucase ou d’une île privée suédoise, ne vous gênez surtout pas, éventuellement par la valise d’un ambassadeur. Certes, il y a des mauvaises langues qui disent que les diplomates de nos jours ne sont plus que des vulgaires garçons de courses. Mais à dos de mulet, ça prendra vraiment trop de temps !