• Confiserie snob

    Une de mes plus fidèles lectrices m’a récemment interrogé sur son inclinaison pour une certaine douceur noire pour savoir si ce penchant possédait du snob-appeal. Bonté divine ! à quoi pensent vos vilains esprits ! Certes, jadis la consommation de l’opium était strictement réservée à la fine fleur, dont un grand nombre de snobs intellectuels. Mais dans le cas qui nous préoccupe, il s’agit d’une friandise tout à fait autorisée : la réglisse.

    Les consommateurs les plus aristocratiques de cette substance (qui, toutefois, comme dans le cas de notre chère lectrice, peut devenir une drogue), sont incontestablement les membres de la famille royale néerlandaise. Leurs fournisseurs attitrés sont une droguerie dans la ville pittoresque de Leiden (ici on fabrique encore certains élixirs oubliés comme l’Eau de Carmes) et une autre à La Haye. Il existe aussi une grande « chaîne » de magasins de sucreries, dont les filiales s'étendent de Maastricht aux bords de la Mer du Nord, qui figure sur la liste des commerçants de la Cour de Beatrix (et qui a de ce fait le droit d'accrocher les armoiries royales sur la façade et de les imprimer sur ses emballages), car celle-ci est très nombreuse. Ainsi, même si un de ces représentants doit se rendre dans le coin le plus disséminé du royaume pour y ouvrir une maison de retraite par exemple et ressent après cette besogne ingrate un besoin pressant de sucer quelques bonbons à la réglisse, il ne sera jamais très loin d’un marchand de son rang.  C’est, en effet, très pratique, cependant nous signalons que certains snobs puristes évitent les établissements qui font partie d’une « chaîne » comme une rage de dents. Il est vrai que le mot n’est pas très seyant. Soit ! Toujours est-il que la consommation moyenne d’un prince ou d’une princesse batave est de deux kilos par an ! Attention à l’hypertension ! 

    Ceci et cela explique sans doute pourquoi les Pays-Bas est le plus grand fabricant de réglisse de l’Europe : on y trouve une centaine de formes, d’origines, de couleurs et de goûts différents, allant du laurier à l’anis et du sel de mer au miel. Au demeurant, les Cours scandinaves raffolent pareillement de cette gâterie réconfortante. Fâcheusement, en France, cette dépendance est encore très peu connue, une épreuve qui lui octroie nonobstant un snob-appeal formidable, quasi majestueux! Afin de connaître les distributeurs patentés par les tribus de Margrethe II, Carl XVI Gustaf et Harald V, ou, éventuellement, pour savoir s’il reste un peu d’espace dans la prochaine valise diplomatique, il vous suffit de contacter les départements commerciaux des ambassades concernées ou votre ambassadeur sur place.