• Cauchemar snob

     

    Pauvre de moi ! J’ai eu un terrible cauchemar cette nuit ! J’en veux à mon amie, venue pour un autumn blend de Betjeman & Barton, qui me raconta, entre deux gaufrettes limbourgeoises, les dernières frayeurs du bas monde. Ainsi, dans mon rêve, je conduisais un camping-car vert fluorescent (alors que je n’ai pas de permis) sur les routes nationales et chemins de la France, en prêchant aux provinciaux : « Ne vous adonnez pas au snobisme ! Eloignez-vous en ! » Vous imaginez mes contraintes et obstructions ! Je me vois mal mettre des bâtons dans mes propres roues et dans celles de maint commerce ou événement culturel qui me sont si chers. Mais c’est-là où le délire commence : on m’avait drogué ! Ben oui, forcément ! D’ailleurs, mon co-pilote était Jean-Luc Delarue, qui, apparemment, avait encore quelque stock. C’est clair. Pas besoin d’être commissaire Maigret pour constater qu’il y a anguille sous roche ! Je me souviens aussi de porter des énormes chaînes rouillées à mes pieds (mes nouvelles Dries van Noten étaient déjà dans un état pitoyable) et d’être obligé à inaugurer des expositions d’artistes « naïfs » dans des conditions profusément rurales. Ce qui prouve que je n’étais pas dans mon état naturel. C’est  justement-là, où je me suis réveillé.  Au moment où mes nouvelles Dries van Noten disparaissaient dans une boue infecte et profonde, qui s’apprêtait à gober ma nouvelle veste en pied-de-poule (Harris Tweed, vintage, acquit chez mon fournisseur anglais habituel près de Dinard). C’était dantesque. Et, évidemment, mon co-pilote était invisible !

    Je suis un être sensible ; il ne faut plus me raconter des histoires pareilles : vous voyez où cela mène ? Nonobstant, je me sens considérablement mieux aujourd’hui. Soulagé ! Comme si ce cauchemar a nettoyé mon subconscient. J’ai, vraisemblablement, subit un peu trop d’émotions ces derniers jours. Ces histoires d’anarchistes et ce premier Chinois, avouez que j’avais des raisons profondes pour oublier mes airs blasés. Cet après-midi, je ferai une petite sieste réparatrice. Le Salon du Vin à la Porte de Versailles (où mon petit producteur champenois doit m’attendre de pied ferme) démarre dans quelques jours, alors j’ai intérêt à être en grande forme. Le champagne est vraiment mon sérum anti-âge préféré : il vous assure une mine extraordinaire qui dure souvent même jusqu’au lendemain, il se consomme très aisément, à tout moment de la journée, et les risques d’overdose sont minimaux. Pas besoin de seringues, de pailles ou d’autres ustensiles que l’on n’a pas toujours sous la main. Tandis qu’une coupe ou une flûte, sans omettre un seau à glace digne de ce nom, cela se trouve déjà plus facilement. Je ferai bien une thalasso ou séjour dans un spa cinq étoiles pour me préparer davantage au salon des viticulteurs, mais après cet horrible cauchemar, je pense qu’il soit préférable que j’évite la province pour quelque temps. La Porte de Versailles, c’est déjà une distance considérable ! D’ailleurs, maintenant que j’y pense : moi aussi, j’ai un stock à finir !