• Ingrédients (pour 4 personnes) : 4 côtelettes d’agneau, 1 courgette, 1 carotte, 2 œufs, 1 c à c de farine, 1 banane, 4 lamelles de fromage à gratiner, menthe fraîche, sel, poivre, cari.

    Pour le chutney aux mangues (environ 2 litres) : 1 kg de mangues, 70 gr de raisins secs, 8 cl de jus de citron vert, 1 c à s d’huile de tournesol, 150 gr d’oignon finement haché, 1 petit piment rouge frais épépiné, 25 cl de vinaigre de vin blanc, 150 gr de sucre, 1 à 2 c à c de graines de moutarde, 1 à 2 c à s de gingembre hachée, 1 c à c de cannelle, 1 à 2 c à c de gros sel.

    Pour le chutney : pelez les fruits et coupez la pulpe en petits dès. Mettez-les dans une terrine, ajoutez les raisins et le jus de citron. Mélangez et réservez. Faites chauffer l’huile dans une casserole, ajoutez l’oignon et le piment. Faites cuire pendant 10 minutes. Ajoutez les mangues, les raisins et le jus de citron. Ensuite, ajoutez le vinaigre, le sucre, la moutarde, le gingembre, la cannelle et le sel. Faites cuire à feu doux en remuant. Portez le mélange à ébullition. Continuez à faire cuire sur feu doux pendant 15 minutes : les mangues doivent rester tendres mais pas se réduire en purée. Retirez le piment. Répartissez le chutney dans vos pots. Laissez refroidir.

    Démontez la chair des côtelettes, éliminez la graisse et récupérez tout le maigre. Nettoyez l’os de chaque côtelette avec grand soin. Faites cuire la courgette et la carotte à la vapeur pendant 10 minutes. Passez au mixeur la chair d’agneau et les légumes égouttés. Ajoutez la banane et un brin de  menthe. Assaisonnez avec du sel, du poivre et le cari. Incorporez la farine. Ajoutez les œufs et battez jusqu’à obtenir un mélange homogène et lisse. Autour des manches, reconstituez des côtelettes avec cette préparation. Formez des papillotes dans du papier sulfurisé et emprisonnez les côtelettes parsemées de fromage râpé. Faites cuire à la vapeur pendant 10 minutes, couvercle retiré. 

     


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    Ca y est ! Je me mets en grève ! J’en suis tout excité car c’est la première fois dans ma vie ! Est-ce snob ? Bien sûr : la paresse et l’insoumission ont toujours été des apanages aristocratiques!

    À l’origine, « faire grève » ou « être en grève » était se tenir sur la place de l’actuel hôtel de ville de Paris, sur les grèves de la Seine, « en attendant de l’ouvrage ». Personnellement, à l’heure de cette concentration effroyable sur les berges de la Seine, de Parisiens et banlieusards ignorant l’existence de Deauville, nommée « Paris Plage », je vous le déconseille vigoureusement ! Or, vous pouvez aussi vous allonger élégamment sur un plaid Hermès sur les grèves de la Loire et y organiser un pique-nique ultra-mondain avec quelques bouteilles d’un Menetou-Salon du cru, et prétendre que vous « faites grève ».  Par ailleurs, il existe également une version « perlée »…

    Aujourd’hui, un mois après son lancement, mon blog a dépassé les 5.000 visiteurs et je vous en suis très reconnaissant. Tel un grand seigneur, je vous ai fourni gracieusement une quantité d’informations indispensables pour vous aider à maintenir votre standing pendant ces moments de crise. Vous ne pouvez pas en dire autant de Monsieur Rouvillois dont l’œuvre peu palpitante publiée par Flammarion est toujours vendue à prix fort dans les librairies. Parfois j’ai vraiment l’impression que la France soit un pays communiste où le savoir et la connaissance ne sont pas rémunérés… Vous trouvez ça normal? 

    A ce propos, je ne vous cache pas, que le volume des visiteurs russes m’a beaucoup surpris: ils sont probablement tous en train de me plagier… Certes, la plupart des Russes étaient privés de snobisme depuis des décennies. Selon un dictionnaire de langue russe datant de 1953, un snob était un « homme creux et d’un intellect restreint, il se passionne seulement pour le vernis extérieur et a tendance à imiter les goûts et les manières de la haute société bourgeoise et aristocratique».

    Notons toutefois qu’un ami de Poutine a récemment eu l’idée de lancer une chaîne de télévision appelée SNOB ! Selon lui, la définition du snob est « un homme d’affaires qui a réussi » ! L'ignare n’a sans doute jamais consulté la bible snob du Duc de Bedford qui soutient que le succès soit une chose absolument vulgaire! Le snobisme est donc de retour en Russie, et j’en suis content pour les Russes, même s’il me semble encore très « primaire ». Il y a même des Russes très nostalgiques qui rapprochent Poutine du tsar et de Dieu ! D’ailleurs, un commentateur politique du Kremlin souligne ses pouvoirs magiques de génie national, concluant que la citoyenneté russe deviendra bientôt « une lignée noble » et que « les Russes finiront tous des aristocrates ».  Je suis effectivement très fier d’y contribuer.

    Mais là, je suis en grève. Dans quelques instants je pars chez des amis dans une villa ayant appartenue aux Poniatowski et ensuite sur la plage d'une île frisonne, où j’ai de la famille. Ainsi, on ne peut pas me confondre avec un touriste ordinaire. Quand on est snob, il faut être prudent, même lorsqu'on est un snob gréviste... 

    Singulièrement vôtre,

    Anton@Snoblissime.com

     


  • Le roi Philippe le Bel alla en Flandres en 1301, suivi de son épouse Jeanne I de Navarre, comtesse de Champagne, et de toute sa cour. Ils y furent reçus avec une grande joie paraît-il, et surtout avec une grande magnificence. En faisant son entrée à Bruges, la reine fut tellement surprise du luxe des habitants de cette ville, qu’elle s’écria avec une pointe de jalousie: « J’avais cru paraître ici comme la seule reine qu’il y eût, mais j’y trouve plus de six cent femmes qui peuvent me disputer cette qualité par leur parure et par la richesse de leurs habits. »

    On peut très bien imaginer le choque de cette pauvre Jeanne! Après avoir mis au monde trois rois de France et de Navarre (Louis X, Philippe V, Charles IV) et  une reine d’Angleterre (Isabelle de France), il y avait de quoi d’être agacé par ces citadines flamandes qui profitaient de l’industrie textile, faisant alors la prospérité de leur province. Or, l’année suivante, en 1302, l’exaltation flamande pour ses souverains français avait totalement disparu. Et pour cause ! La bataille de Courtrai, également connue comme la bataille des éperons d'or, opposa Philippe le Bel et le comte de Flandres : les artisans tisserands flamands (qui utilisaient surtout de la laine importée de Grande-Bretagne) estimaient que les impôts levés par le roi français afin de contrarier ses ennemis anglais, étaient trop élevés.

    Il faut dire qu’en France, à ce moment-là, le snobisme à l’attitude « m’as-tu-vu » était interdit aux bourgeois. Car c’est en 1294 que Philippe le Bel avait promulgué une loi somptuaire qui réglait la table, les habits, la dépense, et fixait les bornes dans lesquelles chacun devait se tenir selon son état. Par exemple, il fallait être duc, comte ou baron pour se donner, à soi-même et à sa femme, quatre robes par an : « Nulle demoiselle, si elle n’est châtelaine ou dame de mille livres de terre, n’en aura qu’une. » Le prix qu’on autorisait de mettre aux étoffes était « dix sous l’aune de Paris », jusqu’à vingt-cinq ; seules les dames de qualité avaient le droit d’y mettre jusqu’à trente sous, et de prendre de la toile à « un sou huit deniers l’aune ». Quant aux "vilaines" (on nommait ainsi les femmes d'une naissance obscure, et "vilains" les hommes), il était ordonné qu’elles étaient privées de chars, qu’elles ne se feraient pas conduire le soir avec une torche de cire, qu’elles ne porteraient ni vert, ni gris, ni hermine, ni or, ni pierres précieuses, ni couronnes d’or ou d’argent. Avouez, que c’était une raison très valable pour faire ses valises et d’émigrer en Flandres sur-le-champ !

    D’ailleurs, cette même loi ne permettait que quatre plats pour les jours de jeûne, et trois pour les  autres jours, et défendait de mettre plus d’une sorte de viande ou de poisson dans un même plat ! Ainsi, au royaume de France et de Navarre, le délicieux waterzoi de poissons à la gantoise (avec des moules, crevettes grises, filets de sole, de lotte, de barbue et de Saint-Pierre) était strictement prohibé….  

     


  • La princesse autrichienne Pauline von Metternich entra dans l’Histoire grâce à ses salons parisiens littéraires, les plus fameux du Second Empire et copiés par toute l’aristocratie européenne, où elle reçut les grands artistes de son époque tels Alexandre Dumas et Franz Liszt. Elle était également amie de Napoléon III et de son épouse Eugénie, auxquels elle fit connaître les talents de Richard Wagner et du grand couturier anglais, Charles Frederick Worth. 

    De retour à Vienne, elle se chargea volontairement de la Cour de l’impératrice Elisabeth, qui détestait toute mondanité, et qui, selon Pauline, n’avait pas assez de prestige, puisqu’elle appartenait à une branche plutôt insignifiante de la maison royale bavaroise. Ainsi, Pauline prit en main l’organisation des fêtes et réceptions au château de Schönbrunn et l’introduction des nouvelles modes vestimentaires en Autriche. En France, l’impératrice Eugénie dictait la mode, mais à la capitale autrichienne, c’était Pauline ! Elisabeth la laissait faire, mais se moquait toutefois ouvertement de cette princesse qui se maquillait, à son goût, beaucoup trop. Pauline reprit également ses activités de teneuse de salon avec la haute noblesse autrichienne du moment, mais y convoqua également des représentants de la « Zweite Gesellsschaft » (la « deuxième société »), des commerçants et fonctionnaires fraîchement anoblis tels les membres de la maison Rothschild. Certaines valeurs semblaient déjà en perdition !

    Et le pire était encore à venir ! D’ailleurs, quelque temps après, lorsque Pauline voyage pour la première fois en train sans dame de compagnie, et un voyageur avec qui elle partage le compartiment lui demande poliment, si la fumée de son cigare la dérange, la princesse répond : « Je ne sais pas, parce que jusqu’à aujourd’hui, personne n’a jamais osé fumer en ma présence…. » 


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    Le prince Don Fabrizio, dans Le Guépard de Tomasi di Lampedusa, comparait sa catin favorite (évidemment aux origines paysannes) à son dogue allemand vêtu d’une sous-jupe de soie. Ce prince sicilien gardait apparemment de très mauvais souvenirs d’une dévergondée parisienne, rencontrée lors d’un congrès d’astronomes à la Sorbonne, qui le surnommait « mon chat » ou « mon singe blond », alors qu’il préférait clairement être appelé par son titre. Ainsi, sa prostituée locale n’avait pas le droit de jouir autrement qu’en braillant « Oh, mon grand prince ! »

     


  • Ingrédients : 100 g de beurre, 350 de sucre cassonade (« light brown »), 3 œufs, 240 ml de babeurre, 1 ½ c à café de bicarbonate, 350 g de farine, ¼ c à café de sel, 1 c à café de noix de muscade, quelques clous de girofle, 1 c à café de cannelle, 150 gr de raisins secs (sans pépins).

    Faites macérer les raisins secs dans de l’eau chaude ou du thé chaud au moins 15 minutes. Préchauffez votre four à 180°C. Mélangez à la spatule le beurre ramolli à température ambiante avec le sucre et les oeufs. Egouttez bien les raisins secs : roulez-les dans un peu de farine entre quelques feuilles de papier essuie-tout. Leur enfarinement est capital car il va leur permettre de se répartir dans tout le cake et de ne pas rester au fond du moule. Mélangez, à part, le babeurre avec le bicarbonate. Tamisez la farine, et ajoutez-la, avec les épices et le sel, en alternant avec le babeurre, aux oeufs. Incorporez les raisins à ce moment de la préparation. Versez la pâte dans un moule à kouglof. Temps de cuisson : 50 à 60 minutes. Vérifiez la cuisson en enfonçant la lame d’un couteau dans le cake : la lame doit en ressortir propre.

     


  • Ingrédients (pour 4 personnes): 3 poires juteuses, un citron, des crevettes nordiques, une cuillerée à soupe de vodka, 2 cuillerées à soupe de crème fraîche, 2 cuillerées à soupe de mayonnaise, aneth fraîchement haché. 

    Faites macérer les crevettes dans le jus de citron. Coupez les poires en petits dés et ajoutez-les aux crevettes. Mélangez la mayonnaise, la crème fraîche et la vodka. Ajoutez ce mélange aux crevettes et poires et parsemez généreusement d'aneth. Mettez au frais avant de servir.

    Certes, les hussards n'étaient pas des nobles. Ils sont apparus au XVème siècle en Hongrie, sous le roi Matthais I. Rapidement, les souverains polonais, prussiens, autrichiens, suédois et tous les autres voulaient avoir leurs propres cavaliers armés afin de garder un oeil vigilant sur leur peuple, leurs voisins et leurs ennemis. En France, comme ailleurs en Europe, ces régiments appartenaient souvent à un membre d'une famille noble, ce qui était logique, car il fallait tout de même avoir les moyens pour les équiper, les loger et les entretenir. Ainsi vous pouvez anoblir cette entrée rafraîchissante en "salade hussarde façon duc de Lauzan", "façon comte d'Esterhazy" ou "façon marquis de Conflans". En cherchant bien vous allez trouver, à part plusieurs douzaines de barons insignifiants, même quelque descendant de Rohan-Chabot.  


  • Leçon 2

    Beati possidentes ou Beati pauperes ? Allez savoir pourquoi, mais le christianisme a toujours tenté d’anoblir la gueuserie. « La pauvreté est, à quelques égards, une condition de l’existence humaine», nous livrait Ernest Renan dans Vie de Jésus en 1870. « Ne dites pas au pauvre qu’il est pauvre par sa faute ; ne l’engagez pas à se délivrer de la pauvreté comme d’une honte ; faites-lui aimer la pauvreté, montrez-lui-en la noblesse, le charme, la beauté, la douceur. » Il y a ces riches qui affirment que l’appétit, le sommeil, les soucis et les jouissances des pauvres sont identiques à ceux des plus fortunés. Il y en a même qui suggèrent que si on leur dévoilait une à une toutes les misères de la richesse, qui sait si les pauvres ne demanderaient pas à le rester ?

    Soit ! Il n’est certes pas honteux d’être démuni financièrement, bien qu’il faille toutefois avouer que ce soit bien gênant. Malheur au pauvre snob dont le train de vie est si frivole et vulnérable. Dans le chapitre précédent, nous avons commencé à vous conditionner et à vous dévoiler comment survivre lorsque, soudainement, on se retrouve raide comme un passe-lacet, fauché comme les blés voir pauvre comme Job.

    Des milliers de questions se posent effectivement à vous lorsque vous êtes contraint de vous installer dans un quartier populaire et de vous confronter au monde mystérieux du prolétariat. Comment organiser un cocktail dînatoire dès lors que vous venez de congédier tout votre personnel? Quel style d’intérieur choisir lorsque la bourse est plate et le gousset vide: ambiance « décadente » ou « minimaliste » ? Peut-on venir avec son caddy Louis Vuitton pour ses achats au marché noir ? Faut-il offrir un rafraîchissement à l’huissier ? Peut-on porter sa tiare dans le métro ?

    Soyez tranquille : vous allez trouver des réponses à toutes ces questions dans les leçons suivantes.

    Commençons par observer les « anciens » pauvres. Avez-vous remarqué qu’ils snobent absolument tout : les petits-bourgeois, les moyens bourgeois, les grands bourgeois, les aristocrates, les intellectuels.  En vérité, ce sont des supersnobs, car ils snobent presque tout ce qui n’est pas de leur niveau, tout ce qu’ils croisent sur leur chemin, avec peut-être comme seule exception certaines célébrités. De préférence celles d’origine humble, ayant réussi à grimper l’échelle sociale, par exemple, comme les footballeurs ou les vedettes du même acabit. Ordinairement, on ne snobe pas les gens qui nous sont supérieurs, bien au contraire, elles sont si utiles pour le name-dropping, mais ces anciens pauvres si ! C’est comme ça. Tandis que chez les snobs plutôt conservateurs, comme les BCBG par exemple, il se peut que la bonne éducation et la pensée politiquement correcte leur proscrivent d’extérioriser leur mépris. Ceux-là auront nécessairement beaucoup plus de peine à s’intégrer dans une ambiance peu cultivée. Et il est fort probable que les œuvres de la baronne de Rothschild, avec tout le respect que je lui dois, ne leur seront pas d’un grand soutien.

    D’ailleurs, si, par malchance, vous vous voyez forcé de quitter votre immeuble de standing pour vous établir dans un endroit moins snob dans une zone très industrialisée, il sera prévoyant de vous faire aider par un hypnotiseur ou une magnétiseuse. N’hésitez pas à faire appel à votre psychiatre, votre conseiller Feng-Shui, votre herboriste, votre masseur, votre acupuncteur, votre pharmacien, votre généraliste ou votre diététicienne afin de vous préparer à tous ces changements. Et là, ce n’est vraiment pas le moment de devenir radin. Ne licenciez pas votre femme de ménage non plus : elle vous sera d’ici peu une mine d’informations utiles pour ce qui est des coutumes populaires, des expressions du cru, des « petites » adresses, des astuces. Je répète : il n’y a pas de mal à se faire assister. Mais ne criez pas sur les toits que vous vous faites coacher par votre aide-ménagère, car cela pourrait faire mauvais genre. Faites-le discrètement.

    « Les pauvres ont la glace en hiver, les riches en été » peut-on lire dans un tract anarchiste des années 1960. Il est indéniable que certains snobismes sont très liés à la saison. Se montrer à la Toussaint à Megève n’a aucun intérêt. Mais il faut tout de même admettre que le peuple est plus habitué à la dureté et aux restrictions. On ne peut le nier : nous nous sommes gravement embourgeoisés. Assommés par la consommation, nos corps et âmes nobles se sont un peu ramollis. Même si Boris Vian soutient dans sa célèbre chanson J’suis snob, que la vie d’un snob égale parfois « une vie de galérien »,  il faut constater que les snobs disons « plébéiens » ont une longueur d’avance sur les snobs des couches supérieures. Ils n’ont pas besoin de changer leurs menus, leurs goûts drastiquement : leurs papilles et neurones sont déjà parfaitement adaptés à toutes sortes d'épouvantes. Ils sont déjà familiers avec les traditions des habitants d’un HLM (qui est un immeuble divisé en plusieurs appartements, réservés aux personnes aux faibles revenus, les loyers y sont très modérés, mais en revanche, ils ne sont pas très adaptés à votre lit à la duchesse, à votre lustre de Murano ou à tout autre objet ou meuble nécessitant une certaine hauteur sous plafond).

    Courage ! Affichez votre bravoure chevaleresque, armez-vous de votre sabre, sautez sur votre pur-sang frison et supposez-vous aux temps des croisades, en combattant quelque Turc bien ombrageux! Coiffez votre casque colonial et imaginez-vous dans une jungle obscure et inhospitalière (n’oubliez pas votre chasse-mouche !), soudainement face à une ethnie inconnue de notre civilisation. « La crise est un état extraordinairement productif. Il faut juste lui enlever l’arrière-goût d’une catastrophe», écrivait Max Frisch. Il semble que savoir s’adapter à des situations hypothétiques et fâcheuses est une preuve de grandeur d’âme et de valeurs que l’on attribue souvent aux aristocrates. Même si cela vous paraît légèrement judéo-chrétien, par définition, vous êtes obligé de vous y mettre aussi. Allez... c’est pour une bonne cause….

     

     


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    Edito n° 3. Pour l’instant, je tiens le rythme. Mais je ne vous promets rien, avec ces atmosphères estivales, on a tendance à oublier. J’ai failli faire un saut dans la partie allemande du Limbourg (un des meilleurs pains d’épices du monde s’achète à Aix-la-Chapelle, les Aachener Printen), mais j’ai décidé de maîtriser ma gourmandise. J’ai même annulé mon séjour à Stuttgart, ville où le nombre de « Schickimickis » au km2 est certainement un des plus élevés de l’Allemagne. C’est ainsi que la langue allemande dénomme les gens chics et élégants qui passent leurs temps à courir (littéralement bien sûr, parce qu’ils ont tous des Porsche et des BMW) d’une soirée mondaine à une autre. Sachez qu’en Autriche, ces snobs sont baptisés des « Adabei », une déformation dialectique de « Auch Dabei », ce qui veut dire « aussi de la partie ». De la High Society natürlich!

    Mais je snobe l’Allemagne cette année. Vous le saviez sans doute déjà, mais il y a dix ans, au Salon du Livre de Francfort, mon éditeur allemand avait prévu du vin mousseux pour le lancement de mon guide intitulé Die Welt der Snobs (la version teutonne du Petit Bréviaire du Snobisme). Certes, c’est un peu de ma faute : j’aurais dû l’informer que les vins mousseux m’occasionnent des crampes incommodes dans mes doigts et mollets.  Mais, puisque j’avais consacré un chapitre entier au champagne, le message me semblait pourtant clair !  Incontestablement, il y avait de quoi faire un joli scandale, mais j’ai commandé très calmement une eau gazeuse. Nonobstant, dès le lendemain, ce fait-divers était dans toute la presse. Même Vogue (accompagné d’éloges pour mon œuvre et mon sang-froid) en informa ses lectrices. Un journaliste d’un quotidien ex-allemand de l’Est intitula son article « un petit problème de boisson ». J’ai failli mourir de soif, et ces ex-communistes appellent cela un « petit » problème ! Considérant les malaises que leur boisson mousseuse me procure, j’aurais dû les accuser d’empoissonnement. J’ai une excellente avocate à Munich, une baronne, très chic et élégante, avec une généalogie qui remonte à la nuit des temps, avec beaucoup de classe. Une snob avouée (elle adore lire mes écrits avant tout le monde et son fils –inscrit dans une école munichoise plus snob tu meurs – m’aide beaucoup dans mes études sur le snobisme des enfants), mais elle n’est pas une Schickimicki. C’est quelqu’un de sérieux. Il faut toujours avoir un avocat en Allemagne. Par ailleurs, quel était le livre le plus volé sur le stand de mon éditeur ?  Exactement ! Mon manuel pour les snobs allemands! Quelle belle mentalité ! Comme s’ils avaient honte de leur snobisme!

    Heureusement qu’il y a des Allemands à qui je ne fais pas peur. Dans quelques jours apparaît un nouveau cahier de Kosmopolis Interkulturelle Zeitschrift aus Berlin (un genre Autrement en format livre) sur le thème de l'incognito. Ma participation s’appelle « Eloge snob de l’anonymat ». Pour satisfaire mon petit besoin personnel de name-dropping (que je pratique rarement puisque, comme déjà avoué, je n’ai malheureusement pas la mémoire des noms), je suis toutefois très flatté de vous annoncer qu’Hertha Müller fait également partie des participants à ce numéro. Aux ignorants, je précise que c’est la Prix Nobel de littérature de 2009. Apparemment, vous n’êtes pas un(e) snob littéraire…

    Cette petite introduction me semblait nécessaire, car elle vous prouve que je ne suis pas rancunier. Or, il y a quelques mois, j’ai proposé à une maison d’édition basée à Cologne un manuscrit intitulé « Stilbrevier für Schlampen », un guide de conduite pour pétasses. Il y a bien un guide pour ces snobs qui désirent s’aventurier dans les pôles et la Sibérie, alors pourquoi les pétasses n’auront-elles pas le droit à avoir leur petit bréviaire? L’éditrice en semblait enchantée, alors je me suis mis au travail. Le verdict ? Hélas ! La publication de l’oeuvre nous paraît indécente par les temps qui courent ! Comme si les pétasses se soucient de la crise ! Faut-il encore qu’elles en soient informées ! Bref. Après le mal que je m’étais donné à mettre sur papier les meilleurs et plus précieux conseils dans un allemand charmant, vous pouvez imaginer ma déception! D’où mon ostracisme. Il est vrai que Greenpeace et moi avons des relations difficiles à cause de la publication d’un livre de cuisine (snob) aux Pays-Bas, dans lequel je divulguais des recettes du style pavé d’ours et carpaccio de baleine. Mais moi aussi je sais être politiquement actif : j’ai boycotté Dries van Noten pendant deux ans lorsque j’ai découvert qu’il fabriquait mes pantalons dans un lieu obscur en Bulgarie et non dans un béguinage pittoresque de la banlieue d’Anvers! 

    Singulièrement vôtre,

    anton@snoblissime.com


  • Ingrédients (pour 6 personnes) :  300 g de pointe de rumsteak de veau, 2 escalopes de poulet, 200 g de champignons (boîte), petites quenelles de veau, 45 g de beurre, 3 c à soupe rases de farine, 75 cl de bouillon de volaille, 3 jaunes d'œufs, 10 cl de crème fraîche épaisse, 1 verre de vin blanc, poivre, noix de muscade, 6 croûtes en pâte feuilletée

    Egouttez les quenelles et les champignons. Coupez les en lamelles et en petits tronçons.  Coupez la viande en petits dés et cuisez-la rapidement. Réservez. Faites fondre le beurre, ajoutez la farine et faites-en un roux blond. Mouillez-le avec le bouillon de volaille et portez à ébullition. Ajoutez la viande, les champignons, le vin blanc, le poivre et la noix de muscade. Continuez de faire chauffer en remuant sans arrêt. Incorporez maintenant les quenelles et remuez doucement. Délayez à part les jaunes d'oeufs avec la crème fraîche dans un bol, puis versez cette liaison dans le faitout en remuant. Faites chauffer sans bouillir pendant 5 minutes environ. Faites chauffer les croûtes précuites dans le four à 180°C. Lorsqu'elles sont bien chaudes et très sèches, les sortir et enlever les chapeaux. Les remplir de la garniture en sauce et posez les chapeaux dessus. Servez chaud.

    Si cette recette des Bouchées à la Reine vous paraît un peu trop classique ou bourgeoise, vous pouvez, évidemment, y ajouter autant de lamelles de truffe que vos papilles supportent. Je vous signale également, qu’il existe d’autres bouchées aux noms très évocateurs. Moins connues certes, mais donc forcément plus snobs ! Comme les Bouchées « Grand Duc » (pointes d’asperges, julienne de truffe, sauce Béchamel à la crème), les Bouchées « Monseigneur » (moitié purée de laitances truffée et moitié crevettes) ou les Bouchées « Petite Princesse » (leurs croûtes sont effectivement plus petites que les « Reine » et seront remplies d’une purée de volaille au velouté et des truffes en dés).  Si vous recevez quelque aristocratie d’outre-Manche ou des membres du corps diplomatique anglais, songez aux Bouchées « Marie-Stuart » (complétez avec un velouté de volaille au beurre d’écrevisse) ou aux Bouchées « Victoria » (salpicon de chair de homard et de truffes, sauce homard). Notons que cette dernière portait également le titre d’impératrice des Indes et qu’outre l’actuelle Elisabeth II, Harald V de Norvège, Charles XVI Gustave de Suède, Marguerite II de Danemark, Jean-Charles I d’Espagne et une liste impressionnante de rois détrônés ou prétendants aux trônes allemandes, serbes, français ou russes, sont ses descendants. Forcément, les Bouchées de Victoria auront plus de snob-appeal que celles d’une obscure reine. En effet, pour faire du name-dropping, ces recettes "anonymes" ne sont pas idéales !