• Il y a dix ans, après la lecture de mon Petit Bréviaire du Snobisme, deux jeunes musiciens ont décidé de nommer leur groupe « The Snobs ». Ces messieurs ne figurent pas dans les hit-parades, étouffés entre un Johnny  et une Lady Gaga braillards, car, et vous vous en doutez sans doute déjà un peu, leur genre musicale est very confidential et inévitablement trop élitiste pour le commun des mortels. Vous ne le saviez donc pas ? Veuillez m’en excuser : je suis parfois tellement understated! Forcément, j’en suis très flatté. Ce n’est pas une mince affaire, pouvoir se vanter d’une telle influence artistique.

    Puis, et cela mérite notre attention et notre respect, dix ans après, « The Snobs » sont toujours-là, contrairement à maint Johnny et mainte Lady Gaga, déjà enterrés depuis longtemps. Espérons que la réédition du Petit Bréviaire engendra autant d’élan et d’enthousiasme dans d’autres branches artistiques en manque d’inspiration. Avouez que certains artistes ont autant de snob-appeal qu’un vol Easyjet (en partance de Beauvais à 4 heures du matin) et qu’une petite mise à niveau ne leur ferait pas de mal.

    Au demeurant, le snob-appeal d’un bon nombre de dames et sieurs politiciens est également, pour ainsi dire, fort piètre. Pourtant : « Lisez vite ce faux bréviaire. Méchant, drôle, cruel, c’est un vrai manuel pour ceux qui sont fatigués de leur costume de citoyen politiquement correct », conseilla jadis la rédaction de L’Hémicycle, le magazine du Sénat. Certes, le snobisme « bling-bling » n’était alors pas encore inventé, toutefois, sa doctrine ne date certainement pas de l’ère Sarkozy : Louis XVI et Napoléon adoraient déjà les dorures. Songez un instant à toutes ces générations de shahs et d’émirs qui grandirent dans des landaus aux courroies plaquées or. Pierre Daninos mentionne dans son œuvre consacrée aux snobs, publiée en 1964, des « plouks dorés ». Il y a toujours eu des snobs de la mode et des marques, déjà au temps des pharaons et des Grecs anciens. Le snobisme de l’apparence est vieux comme le monde. Personnellement, et j’espère ne pas désappointer certains lecteurs et lectrices, mais en snobisme, je considère que votre président est un objet d’étude plutôt banal.  

    Soit ! Heureusement, il est de retour, le Petit Bréviaire du Snobisme. Et il n’a pas pris une seule ride ! Beau comme un camion, d’un bleu quasi-religieux avec des lettres argentés et la tête d’un adorable satyre ! Ce sera sans doute la version « poche » la plus élégante de votre bibliothèque ! C’est la version LV des livres « poche » ! A tomber par terre ! Maintenant, à vous de découvrir une librairie snob ! Vous avez déjà fait réserver un exemplaire par votre vendeuse attitrée chez Colette, et par sécurité, mais aussi un peu par snobisme, un deuxième par la libraire (et collaboratrice très proche du grand homme) de Karl Lagerfeld ou chez Galignani? Je vois, vous êtes des malins !  A propos: n’oubliez pas que c’est bientôt le moment de changer la recharge de votre agenda de poche en cuire de Russie, avant que le mois de décembre transforme le magasin de l’illustre sellier en champs de bataille. Fâcheusement, le Petit Bréviaire du Snobisme ne s’y acquiert pas. Nonobstant, la boutique serait instantanément la librairie la plus snob du monde ; elle donnera inéluctablement un nouvel éclat à certains snobismes littéraires, intellectuels et culturels, qui seraient condamnés, sans elle, à périr sur les étagères d’une bibliothèque de la marque Ikea. J’arrête-là : j’en ai la chaire de poule ! 

     


  • Vous êtes des millions dans ce monde : des snobs à cachemire ! Alors, si vous en êtes aussi, vous connaissez sans aucun doute l’emblème de Loro Piana. Le top du top est effectivement leur « bébé cachemire » : une fibre extrêmement rare et précieuse obtenue de la laine des bébés de l’espèce Capra aegagrus hircus, originaires du nord de la Chine et de la Mongolie. Forcément, ce matériel est fabriqué dans des quantités très limitées : une petite chèvre ne produit que 80 grammes dans sa vie ! On est loin des 400 à 500 grammes que le foie gras d’un canard aveyronnais doit peser (en dessous, il se peut qu’il soit un peu sec) et carrément à des années lumières des 300.000 à 7.500.000 œufs qu’un béluga femelle (nommé Huso huso par Linnaeus) pourrait pondre. Eh oui, mon cher Watson: le snob-appeal n’est très souvent qu’une vulgaire affaire de poids…

    De surcroît, en vous offrant une petite laine de bébé cachemire (l’hiver sera rude) au lieu de vous rendre chez votre traiteur ou marchand de caviar attitrés, vous soulagez Brigitte Bardot (qui, pendant cette période de débauches gastronomiques a déjà une horde inimaginable de chats à fouetter), car elle aussi elle adore les bébés chèvres. Par ailleurs, on pourrait éventuellement attribuer quelque caractéristique « snob » à son slogan « Le vrai luxe, c’est refuser ». Mais, je vous l’accorde, et en tant que snob-expert je vous le confirme : cette éventualité est ambiguë…. 

     

     


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    Apparemment, c’est la semaine des émotions fortes et surprises : après le premier Chinois sur mon blog (je n’en reviens toujours pas : cela égale sûrement le premier homme dans l’espace ou sur la lune), hier, mon snobblog a eu son premier visiteur en Colombie ! Ca ne peut pas être une simple coïncidence! C'est sans doute grâce à Jean-Luc Delarue ! Je lui en suis sincèrement très reconnaissant  !

    Je dois toutefois avouer qu’à cause de toutes ces confusions et évènements bouleversants, j’ai mal suivi les actualités de ces derniers jours. Peut-être c’est juste Ingrid Betancourt qui a réussi à s’y faire séquestrer une nouvelle fois ? 

     


  • Ingrédients  (pour 6 personnes) : 1,2 kg d’épaule d’agneau (désossée, découpée en cubes), 4 tomates bien mûres, 4 aubergines, 4 oignons, 1 gousse d’ail, 150 gr de cantal, 2 verres de lait, 30 gr de farine, 70 gr de beurre, 2 c à s d’huile d’olive, sel, poivre.

    Pelez et émincez les oignons et l’ail. Pelez et épépinez les tomates. Faites chauffer l’huile et 40 gr de beurre et dorez la viande sur feu vif. Retirez la viande et ajoutez les oignons jusqu'à qu’ils soient dorés. Ajoutez ensuite l’ail, les tomates, 2 verres d’eau, poivre et sel. Laissez mijoter quelques minutes et remettez la viande à cuire dans la sauce. Couvrez et laissez mijoter doucement pendant une heure. Faites griller les aubergines sous le gril du four. Quand elles sont noires de toutes leurs faces, enveloppez-les dans un vieux Monde et laissez-les tiédir dans le papier journal. Coupez-les en deux et récupérez la pulpe. Mixez celle-ci en purée dans une casserole : faites cuire pendant six minutes en remuant fréquemment. Dans une autre casserole épaisse, faites fondre le restant du beurre. Quand il est mousseux, versez la farine et remuez vivement avec une cuillère en bois. Versez le lait froid et remuez jusqu’à l’obtention d’une sauce épaisse sur feu doux. Salez, poivrez et ajoutez le fromage râpé. Mélangez cette sauce avec la purée d’aubergines et réchauffez le tout sur feu vif. Disposez la sauce dans un plat et déposez la viande dessus, nappez avec la sauce de cuisson et servez immédiatement. 

     


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    Pauvre de moi ! J’ai eu un terrible cauchemar cette nuit ! J’en veux à mon amie, venue pour un autumn blend de Betjeman & Barton, qui me raconta, entre deux gaufrettes limbourgeoises, les dernières frayeurs du bas monde. Ainsi, dans mon rêve, je conduisais un camping-car vert fluorescent (alors que je n’ai pas de permis) sur les routes nationales et chemins de la France, en prêchant aux provinciaux : « Ne vous adonnez pas au snobisme ! Eloignez-vous en ! » Vous imaginez mes contraintes et obstructions ! Je me vois mal mettre des bâtons dans mes propres roues et dans celles de maint commerce ou événement culturel qui me sont si chers. Mais c’est-là où le délire commence : on m’avait drogué ! Ben oui, forcément ! D’ailleurs, mon co-pilote était Jean-Luc Delarue, qui, apparemment, avait encore quelque stock. C’est clair. Pas besoin d’être commissaire Maigret pour constater qu’il y a anguille sous roche ! Je me souviens aussi de porter des énormes chaînes rouillées à mes pieds (mes nouvelles Dries van Noten étaient déjà dans un état pitoyable) et d’être obligé à inaugurer des expositions d’artistes « naïfs » dans des conditions profusément rurales. Ce qui prouve que je n’étais pas dans mon état naturel. C’est  justement-là, où je me suis réveillé.  Au moment où mes nouvelles Dries van Noten disparaissaient dans une boue infecte et profonde, qui s’apprêtait à gober ma nouvelle veste en pied-de-poule (Harris Tweed, vintage, acquit chez mon fournisseur anglais habituel près de Dinard). C’était dantesque. Et, évidemment, mon co-pilote était invisible !

    Je suis un être sensible ; il ne faut plus me raconter des histoires pareilles : vous voyez où cela mène ? Nonobstant, je me sens considérablement mieux aujourd’hui. Soulagé ! Comme si ce cauchemar a nettoyé mon subconscient. J’ai, vraisemblablement, subit un peu trop d’émotions ces derniers jours. Ces histoires d’anarchistes et ce premier Chinois, avouez que j’avais des raisons profondes pour oublier mes airs blasés. Cet après-midi, je ferai une petite sieste réparatrice. Le Salon du Vin à la Porte de Versailles (où mon petit producteur champenois doit m’attendre de pied ferme) démarre dans quelques jours, alors j’ai intérêt à être en grande forme. Le champagne est vraiment mon sérum anti-âge préféré : il vous assure une mine extraordinaire qui dure souvent même jusqu’au lendemain, il se consomme très aisément, à tout moment de la journée, et les risques d’overdose sont minimaux. Pas besoin de seringues, de pailles ou d’autres ustensiles que l’on n’a pas toujours sous la main. Tandis qu’une coupe ou une flûte, sans omettre un seau à glace digne de ce nom, cela se trouve déjà plus facilement. Je ferai bien une thalasso ou séjour dans un spa cinq étoiles pour me préparer davantage au salon des viticulteurs, mais après cet horrible cauchemar, je pense qu’il soit préférable que j’évite la province pour quelque temps. La Porte de Versailles, c’est déjà une distance considérable ! D’ailleurs, maintenant que j’y pense : moi aussi, j’ai un stock à finir ! 

     


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    Après les angoisses métaphysiques de ces derniers jours, aujourd’hui, enfin, je nous ai trouvé une nouvelle raison pour sabrer un magnum de champagne ! Car ce matin, en regardant mes statistiques, j’ai découvert qu’hier, le 15 novembre 2010, mon blog fut fréquenté par le premier visiteur Chinois ! Ou par la première Chinoise, qui sait?! Et voilà un pays d’accueil auquel je n’avais pas encore songé.  Je suis certain que je pourrais leur apprendre un tas de choses fort utiles. Les misérables : toute leur éducation est à faire en matière de snobisme, absolument tout. J’aurais sans doute besoin de quelques assistants. Soyez les bienvenus si le cœur vous en dit ! Comme le dit si bien La Fontaine : « Tout petit prince a des ambassadeurs : Tout marquis veut avoir des pages. « 

    Je trouve cela vraiment formidable, que mon blog ne soit pas censuré en Chine. Ou est-il juste réservé à une nomenklatura très élitiste ? J’adorerai ça ! Snobisme et maoïsme : qui l’aurait cru ? Est-ce le point de départ d’une nouvelle révolution culturelle ? Cependant, selon certains chroniqueurs, parfois Mao Zedong aussi prenait des allures d’un empereur de l’époque Ming ! Ce qui nous prouve une nouvelle fois que le snobisme est très démocratique ! Champagne !

     


  • En ce moment, je tombe véritablement d’un ébahissement dans l’autre. Ma blasétude en prend un sale coup ! Car figurez-vous, une très bonne amie, avocat à la Cour par surcroît, vient de m’envoyer un extrait de L’Express à propos du « chapisme » : selon sa rédaction, il s’agit d’un « mouvement anarcho-dandy qui privilégie l'humour à l'esprit de sérieux et le tweed au lycra » et qui est « une idée neuve en Europe ». Neuve? Hum! Le mouvement serait, toujours selon le rédacteur du magazine, une « réaction à la mondialisation uniformisatrice, à la consommation de masse, au diktat des marques, des ordinateurs et des téléphones portables, à la malbouffe industrielle, à l'asservissement du salariat ». Pour en savoir plus, la rédaction culturelle de L’Express conseille fortement la traduction annoncée d’un livre intitulé The Chap Manifesto , publié outre-Manche en 2002!

    Selon la quatrième de couverture de mon Petit Bréviaire du Snobisme (publié, au demeurant, en France en l’an 2000), rédigée par mon éditrice en personne, celui-ci ressemble gravement à cette œuvre anglaise:  « une protestation, un manifeste anti-uniformisation, anti-masses, anti-consommation, anti-bourgeois, » et ainsi de suite. Car la liste est longue; pire même: mon Bréviaire serait : "anti-tout"!

    Seriez-vous capables de rester blasés après avoir appris par votre avocat, que vous appartenez à un mouvement anarchiste ? Franchement, je ne le savais pas ! Me voilà vraisemblablement déjà « fiché » comme agitateur ou persona non grata dans un tiroir grinçant ou un vulgaire PC d’un de vos ministères. Par aubaine, mon amie est une spécialiste merveilleuse en droit de la propriété intellectuelle et du divertissement, et elle saura m’en sortir, mais nonobstant, j’opterai pour un exil volontaire. Histoire de vous bouder un peu et de changer d’air au même temps. Il y a sûrement une quantité de pays ravis de me recevoir, avec une villa avec un immense gazon sur un lac et pourvue de quelques gens. C’est certes une image un brin  « cliché », mais parfois la  banalité, après toute cette turbulence, croyez-moi, c’est si reposant.

    J’écrirai probablement tous les deux mois une ligne pour cette minorité allemande et qui s’ose ouvertement à mes lectures: ils sont si lâches et politiquement corrects, d'un ennui mortel, ces Teutons! Que ma vie sera délicieusement oisive. Ou je me ferai traduire en Russe (afin de définitivement clouer le bec à ces plagiaires cyrilliques), en Afrikaans, en Suédois, en Japonais, en Italien ; en bref dans une langue chic et compréhensible par les autres visiteurs cosmopolites de mon blog. Même en Anglais ! Je serais the universal king of snobs en dix secondes. C’est irréfutable. Pardon ?! Moi, vous faire du chantage ? Mais voyons !, ne soyez pas si sots ! Souvenez-vous de mes derniers conseils adressés à Elisabeth II : trop de popularité tue le snob-appeal ! Je vous rassure : je n’ai guère de pensées suicidaires !

    Cachez donc mon Bréviaire et effacez systématiquement la mémoire de votre ordinateur. Si, toutefois, vous êtes accusé d’actes anarchistes et vous ressentez le besoin d’un bon avocat, vous n’avez qu’à me demander! Mon amie s’occupera miraculeusement de votre cas. Allons ! je ne vous laisse pas tomber comme ça ! En échange, vous me faites livrer quelques foies gras, truffes et autres victuailles issues de votre terroir (et probablement introuvables dans ma nouvelle vie d’ascète), pour ma consommation personnelle et, éventuellement, pour être vendu au marché noir local. Est-ce snob de faire du shopping illégal? Parbleu ! Mille fois plus snob qu’une visite au Bon Marché ou aux Galeries. Je me demande sérieusement ce que vous allez devenir sans moi ! 

     

     


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    Je viens de lire, avec une stupéfaction démesurée (je me croyais pourtant ultra-blasé), que le 13 novembre sera « la journée de la gentillesse », parrainée par le magazine Psychologies qui stimule cette entreprise hasardeuse par un article très prometteur: « Gentillesse : des bienfaits scientifiquement prouvés » ! Non, ce n’est pas une publicité pour le dernier sérum « anti-ride » mijoté par un grand laboratoire ! Personnellement, je suis enchanté d’y échapper et de passer ce week-end dans une ravissante malouinière avec jardin clos aux bords de la Rance et d’y déguster en toute tranquillité quelques douzaines d’huîtres. Je ne suis pourtant pas un misanthrope (et si je le suis, je le suis sûrement de façon très cartésienne) mais m’imposer une journée de la gentillesse, sous prétexte qu’elle me fera du bien, franchement, c’est me prendre pour un arriéré.

    Certes : tout le monde n’a pas son propre coach anti-âge. Mais, je n’ai nullement le temps de me lancer dans des longues explications philosophiques sur les agréments de la médisance et la méchanceté, qui risqueront, par surcroît, d’être incompris par les lecteurs de basse condition : j’ai mon baise-en-ville à préparer. Je dirais toutefois, et chaque enfant de constitution normale de quatre ans vous le confirmera, que la gentillesse est beaucoup plus épuisante et ennuyeuse que la méchanceté. Et croyez-moi, le cocktail fatigue et spleen, rien de mieux pour accentuer vos rides et poches sous vos yeux !

    Là, je n’ai vraiment pas le temps (la marée n’attend pas), mais dès mon retour, il faudra sérieusement songer à monter une journée vouée au snobisme. Avec des articles « Snobisme : massage de votre ego » ou « Confessions d’un snob » et des tests « Etes-vous un vrai snob ? », « Etes-vous trop snob ? » ou encore « Osez-vous le snobisme ? »  Je me tiens évidemment à la disposition du magazine, après ma petite cure d’huîtres. La date ? Il faut vraiment que ce soit une journée fixe ? Je propose que tout le monde choisisse celle qui lui convient. Il faut alors être en grande forme ! Imaginez la tête de votre patron ou de votre belle-mère, lorsque vous leur annoncez avec un dédain ultra-raffiné : « C’est ma journée snob aujourd’hui ! » Et même s’il vous faut deux ou trois journées, voire quelques semaines ou mois de plus, prenez-les à votre guise. Nous ne sommes pas aussi radins que les gentils !   

     


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    J'suis snob par Boris Vian

    J'suis snob... J'suis snob
    C'est vraiment le seul défaut que je gobe
    Ça demande des mois de turbin
    C'est une vie de galérien
    Mais lorsque je sors à son bras
    Je suis fier du résultat
    J'suis snob... Foutrement snob
    Tous mes amis le sont
    On est snobs et c'est bon
     
    Chemises d'organdi, chaussures de zébu
    Cravate d'Italie et méchant complet vermoulu
    Un rubis au doigt... de pied, pas celui-là
    Les ongles tout noirs et un très joli petit mouchoir
    J'vais au cinéma voir des films suédois
    Et j'entre au bistro pour boire du whisky à gogo
    J'ai pas mal au foie, personne fait plus ça
    J'ai un ulcère, c'est moins banal et plus cher
     
    J'suis snob... J'suis snob
    Je m'appelle Patrick, mais on dit Bob
    Je fais du cheval tous les matins
    Car j'adore l'odeur du crottin
    Je ne fréquente que des baronnes
    Aux noms comme des trombones
    J'suis snob... Excessivement snob
    Et quand je parle d'amour
    C'est tout nu dans la cour
     
    On se réunit avec les amis
    Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
    Il y a du coca, on déteste ça
    Et du camembert qu'on mange à la petite cuillère
    Mon appartement est vraiment charmant
    J'me chauffe au diamant, on ne peut rien rêver de plus fumant
    J'avais la télé, mais ça m'ennuyait
    Je l'ai retournée... de l'autre côté c'est passionnant
     
    J'suis snob... J'suis snob
    J'suis ravagé par ce microbe
    J'ai des accidents en Jaguar
    Je passe le mois d'août au plumard
    C'est dans les petits détails comme ça
    Que l'on est snob ou pas
    J'suis snob... Encore plus snob que tout à l'heure
    Et quand je serai mort
    Je veux un suaire de chez Dior!


  • Beatrix des Pays-Bas se soucie de vous, chère lectrice et cher lecteur, vous qui passez votre temps derrière votre ordinateur. Elle pense que cela est néfaste pour votre vie sociale et mondaine. Elle éprouve apparemment aussi de la pitié pour ceux qui sont inlassablement collés à leurs téléphones mobiles, leurs I-pods et I-phones.  Il faut dire qu’elle est assez réputée pour son attitude parfois brute et impertinente. Pourtant, dans sa jeunesse, elle fut souvent appelée « Princesse Sourire ». Ce trait de caractère hautain est probablement un héritage d’une de ses ancêtres, la grande-duchesse russe Anna Pavlovna, qui occupa avec son époux le trône néerlandais au début du 19ème siècle. Selon les chroniques, elle traita même sa belle-fille, pourtant une princesse allemande et une fille de sa sœur, avec un fort dédain. Cette dernière demanda d'ailleurs à être inhumée dans sa robe de mariée, prétendant qu’elle avait cessé de vivre le jour de son mariage. Les Russes ont indubitablement un sens inné de la tragédie. Or pendant son séjour terrestre dans les méandres et les polders, cette Sophie de Wurtemberg alléguait sans la moindre gêne, que son mari était inapte et qu’elle ferait une bien meilleure régente que lui. Il est vrai que le New York Times de l’époque considérait son époux, Guillaume III comme « l’être le plus dépravé de notre temps ».  Par surcroît, après la mort de son épouse, ce roi envisagea sérieusement de se remarier avec une barmaid américaine puis avec une chanteuse d’opéra parisienne qui n’est même pas référencée par Wikepedia ! Quant à la presse néerlandaise, elle surnomma son souverain le « Roi Gorille ».

    Cela vous rappelle peut-être certaines péripéties d’Elisabeth II d’Angleterre, de son mari surnommé « Duke of Hazard » (« hazard »  est anglais pour « bévue » ou « faux-pas »), de sa feue bru ou de son fils au sobriquet fort nuisible de « Prince Tampon ». La pauvre souveraine britannique a été obligée de mettre beaucoup d’eau dans son gin, à l’instar de sa collègue au royaume des Néerlandais, dont les brus ont également toutes des origines roturières : une fréquentait même un « baron » de la drogue avant de se fiancer au prince. Heureusement que les morts ne sont pas réellement capables de se retourner dans leurs tombes, car maint sarcophage royal aurait été abîmé. Néanmoins, même si nos reines actuelles doivent se montrer plus souples, elles restent incontestablement des snobs conservatrices : lorsqu’on représente la tradition, le protocole et l’étiquette, on n’a guère le choix, n’est-ce pas, Madame la Baronne ? Ainsi, les monarques progressistes appartiennent à une espèce plutôt rare. Certes, les livres d’histoire mentionnent quelques despotes éclairés (dont Catherine II de Russie, l’ancêtre des reines néerlandaises évoquées), mais leurs réformes et mesures servaient en premier lieu leurs propres intérêts. Frédéric II de Prusse, par exemple, grand snob, était non seulement le plus grand agriculteur de son pays, mais aussi son principal banquier…

    Hélas ! dira mainte majesté, ces temps-là appartiennent au passé. Aujourd’hui, les rois et les reines ont la vie pénible : les gouvernements leur demandent sans cesse de justifier leurs vacances, leur personnel, la moindre dépense. Or, inlassablement suivis par les paparazzi, il est quasiment impossible d’avoir un peu de privacy pour s’adonner à des dépenses délicieusement inutiles et des frivolités généralement interdites à une famille royale. Nonobstant, et contrairement à Beatrix qui boude toutes les merveilles électroniques de notre époque, Elisabeth II, sans doute forcée par ses conseillers en relations publiques qui veillent sur la renommée de la monarchie, s’est offerte « une page » sur Facebook. La reine anglaise se veut donc très contemporaine et moderne, notez toutefois qu’il est inutile de se précipiter : vous ne pouvez pas vous y inscrire comme son « ami ». Et pour cause : considérant le nombre de ses sujets dans le Commonwealth, elle aurait eu 1.921.974.000  « amis » dans les 24 heures qui suivent! Les logiciels de Facebook qui explosent, la reine persécutée par ses avocats féroces comme la pire des terroristes : imaginez le drame ! 

    N’allez toutefois pas croire que c’est par sympathie pour Beatrix que je ne suis pas inscrit sur Facebook : je certifie que ma vie mondaine n’a nullement souffert  de mes villégiatures sur la toile.  Je rappelle simplement un fait incontournable à la souveraine britannique: "Madamela popularité est un snobbery-killer par excellence!"