• Meurtre snob

     

    Me voilà de retour parmi vous, chères lectrices et chers lecteurs. J’avais tellement hâte de vous écrire, car figurez-vous, ce que j’ai découvert pendant mes lectures estivales dans « La première enquête de Maigret » en version « poche » (vintage bien sûr) m’a fortement agité : on tue par snobisme ! Et oui !  Dans cette enquête, la victime est un certain comte d’Anseval, connu sous le nom de « Bob », dont le château avait été acheté par une famille de nouveaux riches totalement dépourvue de généalogie palpitante. Simenon précise que les Anseval n’avaient pas été « chics » avec eux: ils avaient vendu le château et les fermes et s’étaient retirés discrètement. Un peu trop discrètement même, car ils n’avaient pas voulu – même pas juste une seule fois - recevoir les nouveaux châtelains à dîner, ou même à déjeuner. Malheureusement, on n’achète pas ses ancêtres. Alors, dans son testament, le grand-père de cette famille de parvenus avait mis des clauses très explicites dans son testament incitant sa petite fille à épouser un Anseval afin que la famille puisse remonter aux Croisés ! Par chance, celle-ci était mordue pour s’appeler comtesse d’Anseval. Mais, par malheur, c’est le comte qui n’en voulait pas….

    Bien entendu, je ne veux pas qu’un tel drame vous arrive ! Du coup, je me suis fait des soucis pour vous. Enormément de soucis ! Ca a presque gâché les plaisirs de mes vacances. J’espère toutefois que vous êtes toujours élégamment installé dans votre Bertoia ou bergère Louis XVI, appréciant les bienfaits d’un rooibos de Betjeman & Barton, au lieu d’être questionné par des policiers qui sentent le fauve, sur un tabouret sans marque dans une cellule un peu trop dépouillée à votre goût. Si toutefois vous avez besoin d’un témoin à décharge, je me tiens à votre disposition. En tant qu’expert en snobisme, je pourrais peut-être souffler au jury et aux juges que le snobisme soit une chose fort humaine, que l’humanité entière en souffre et que pour certains snobs, cela devient une véritable obsession, voire un traumatisme. Cela pourrait considérablement adoucir la sentence. Votre avocat en sait probablement bien plus que moi. Vous cherchez un avocat snob ? Mais voyons ! Tous les avocats en sont ! Et en prison ? Je n’ai là aucune expérience, mais mon collègue, le Duc de Bedford, nous signale qu’une hiérarchie très stricte est maintenue dans les prisons. Selon lui, les prisonniers aux incarcérations longues snobent ceux qui n’y séjournent que quelques semaines, les criminels professionnels snobent les amateurs et les voleurs d’occasion, et les armoires à glace snobent les faussaires de billets et les souteneurs.

    Grosso modo : vous pourriez toujours y exercer votre snobisme ! Merci, grand merci, cher collègue, vous m'avez soulagé d'un poids qui pesait très lourd sur ma conscience. Maintenant que je sais mes lectrices et lecteurs à l'abri, j’ai presque envie de retourner à mes villégiatures….

    Singulièrement vôtre,

    anton@snoblissime.com