• Métallurgiste snob

      

    Métallurgiste snob

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Moscou, août 1987. Je viens de me faire relâcher.  La hautement sotte Madame Gorbatchev a décidé : désormais les magasins d’alcool ne seront ouverts que de 17h à 18h30. Puisque les queues y sont des plus longues de l’Histoire soviétique et qu’on s’y énerve très vite,  la clientèle alignée est surveillée par une douzaine de miliciens. J’étais, moi-même,  tout à fait serein : encore un peu nébuleux d’une fête la veille avec quelque intelligentsia délicieusement dissidente, puis dans la file depuis 15h30, depuis plus d’une heure, donc physiquement très affaibli. Soudainement deux miliciens me sortent de la file et me demandent de retourner "bistro" à mon usine pour la simple raison que, selon eux, j’étais vêtu  d’un ensemble de travailleur dans la métallurgie. Or je portais un ensemble en lin noir japonais de Yamamoto…  

    Il a fallu plus d’une heure de discussion et l’intervention de quelques amis au KGB pour qu’ils me rendent ma liberté. J’aurais pu terminer dans  un goulag ou au sein d’une famille adoptive dans la zone industrielle de Mourmansk. Ma vie aurait pu se terminer en pur Zola !  Imaginez !

    J’ai même pris la peine d’écrire une lettre considérablement désagréable; il y a de quoi ! Mais ce couturier indolent ne m’a jamais répondu. Même pas un simple « excusez-moi » ou chèque-cadeau pour un séjour luxueux à Tokyo.  J’étais naïf. Un bon avocat l’aurait déshabillé…