• Hier, Daphné Bürki, dans l’Edition Spéciale de Canal Plus, a présenté mon Petit Bréviaire comme « livre cultissime », et moi-même comme quelqu’un que tout le monde « aimerait avoir comme ami ». Ses éloges expliquent parfaitement pourquoi je ne suis pas présent sur Facebook à ceux qui n’avaient pas encore compris. Merci, Daphné !

    D’ailleurs, selon une de mes informatrices, très pointue en matière de tendances sur la toile, Facebook serait déjà mort… Je ne veux pas vous alarmer bien sûr, mais en étant snob, la réputation d’être membre d’une collectivité agonisante, cela risque de vous nuire gravement. Une telle renommée pourrait même vous être fatale. Heureusement, cela n’est pas mon cas.

    Soit ! Le sujet de l’enquête de Daphné Bürki? Est-ce snob de montrer la raie des fesses ?

    Les snobs à l’ancien régime, ces snobs qui tiennent à respecter l’étiquette, comme Madame de Rothschild, s’y opposent. Apparemment, une baronne avec un sourire du plombier n’est pas très crédible et cela se comprend, surtout avec cette invasion de plombiers polonais. Généralement, le protocole est plutôt conservateur et incite les dames à surveiller leurs déhanchements, à éviter toute position dévoilant leurs charmes et proscrit la nonchalance, y compris les bretelles de soutien-gorge ou autres sous-vêtements qui dépassent ou qui sont d’une couleur trop voyante, ainsi que le string. En conséquence, l’étiquette désapprouve forcément cette nouvelle mode des pantalons trop larges ou des tailles basses, qui réduisent souvent notre physionomie à celle d’un nain de jardin qui aimerait, de surcroît, être sodomisé.

    À l’opposé il y a les snobs de la mode, les « fashion-victims », souvent d’une espèce plus provocatrice que la précédente, disons plus adolescente, qui aiment exhiber la marque de leurs sous-vêtements, voire une partie de leur anatomie. Au demeurant, l’étiquette ne s’oppose pas entièrement à la nudité: elle admet par exemple le décolleté, à condition que la dame n’ait pas une peau trop fripée ou qu’elle n’ait pas les marques de bronzage de son maillot de bain. Ce serait, en effet, de très mauvais goût. Notons que le décolleté de la poitrine est parfois obligatoire, car il sert aussi à mettre en valeur les bijoux.

    Et c’est exactement là, où le bas blesse : car pour le décolleté du fessier, ce décolleté à l’envers, aucun joaillier, que ce soit Tiffany, Van Cleef & Arpels ou Boucheron, propose des rivières de diamants ou un simple sautoir afin de le valoriser. Certaines personnes font alors appel à un tatoueur, mais il faut se rappeler que le tatouage était autrefois uniquement réservé aux bagnards, à quelques peuplades exotiques ou encore à des actrices et acteurs pornographiques : on pourrait choquer ses invités et amants trop conformistes.

    On peut également y planter, à l’instar des danseuses de revue, quelques plumages d’oiseaux exotiques ou (mieux) en voie de disparition. Mais pour monter dans un taxi ou faire ses emplettes à la Grande Epicerie, cela risque d’être laborieux. Par ailleurs, parce que nous n’avons pas des yeux derrière la tête, il faut faire très attention, car des objets volants, tels des bouchons de champagne, pourraient s’engouffrer dans cette fente, ce qui pourrait devenir fort irritant.

    Pour en savoir plus voir articles « Slips snobs » et « Striptease Snob ».  

     

     


  • Dans la catégorie des snobs conservateurs, des snobs qui tiennent aux valeurs et aux traditions, et qui pratiquent parfois un snobisme à l’ancien régime, il y a les snobs chasseurs. Et croyez-moi, ceux-la, sans doute aussi contrairement à vos idées reçues, pratiquent un snobisme du vocabulaire un des plus pointus de cette planète. Par exemple, on ne dit pas « Les chiens aboient », mais les chiens « donnent de la voix ». On ne dit pas « Tenez, voilà l’animal », mais « Taïaut, Taïaut ! » et lorsque le cerf en question est cerné par la meute, on dit qu’il est « hallali ». 

    Il est vrai que la vénerie est un sport qui transforme le plus médiocre des industriels ou banquiers en grand seigneur féodal, même si les chasses, depuis qu’elles ont été retirées des privilèges fiscaux, se font de plus en plus discrètes.

    Si vous voulez en être, alors rendez-vous, avec ou sans votre banquier, ce mois de novembre à Saint-Hubert (Capitale Européenne de la Chasse et de la Nature) dans les Ardennes belges, où vous assistez à un concert de trompes de chasse  du Royal Forêt Saint-Hubert. Il y aura probablement quelque noblesse wallonne ou luxembourgeoise, de quoi remplir votre carnet mondain. Après la messe aura lieu la distribution des pains bénis qui sont très convoités : c’est un mystère que la maison Paul n’en propose pas.  Ensuite il y aura la bénédiction de votre meute. Si votre épouse souhaite en profiter pour faire bénir son vison, allez-y, c’est le moment, car pour lui aussi, la saison commence bientôt ! La cérémonie est suivie d'un marché avec dégustation où vous trouverez des pâtés du terroir qui accompagneront parfaitement vos petits pains sacrés. Vous pouvez aussi les garder et les proposer lors de votre prochain cocktail dînatoire à la capitale. Avec du foie gras, ils auront un succès fou.

    Se pose effectivement la question : quel gibier ? Certes, il y a des trophées qui ont plus de poids que d’autres. Il y a aussi des snobs chasseurs qui ne jurent que par les bêtes exotiques. Ils préfèrent chasser l’antilope et se loger dans un lodge quatre étoiles, au lieu d’assister à une battue au lièvre dans une plaine inquiétante et humide du Pas-de-Calais.  Si vous souhaitez acquérir un pavillon de chasse convenable (pourrie de chic : une ancienne commanderie templière), adressez-vous à un agent immobilier en Sologne. Quant à votre toilette, vous avez le choix entre l’avenue Montaigne et le Faubourg St. Honoré. Le fusil, vous l’achetez à Moscou chez une maison anglaise fondée en 1835, même si la filiale parisienne à tout ce qu’il faut. Mais, non loin, en Sibérie, vous pourriez paisiblement vous exercer sur une bête ou un nomade de passage, sans se ridiculiser devant le Tout Paris !

     


  • Rassurez-vous : personnellement, j’en commets quasiment tous les jours ! Pardieu ! Ce n’est pas évident pour un étranger de sentir toutes les nuances et finesses de votre vocabulaire. Pour vous, la différence entre "mensuration" et "mesure" ou entre "haute tension" et "hypertension" est sans doute élémentaire, mais pour moi, elle ne l’est pas. Même Rachida Dati en est dupe! Je vous ai déjà fait part de la distraction de ma mémoire qui m’empêche de pratiquer le name-dropping à sa juste valeur (je n’ai, par ailleurs, toujours pas retrouvé le nom de mon amie la princesse italienne). Par surcroît, les people deviennent de plus en plus éphémères ; ajoutez à cela leurs noms parfois imprononçables et le nombre de structures aux abréviations semblables : peut-on m’en vouloir  de confondre une entreprise dont les activités sont la promotion et le suivi des paris sur les courses de chevaux avec un parti politique, ou une actrice ou un ministre avec une famille de vos (nombreuses) fromages de chèvre ? Pauvre de moi !

    C’est qu’il faut s’y connaître bigrement ! Tenez, par exemple, j’ai cru pendant des années qu’il existait des automobiles de la marque OOOO. Je me suis bien sûr demandé si cela était une abréviation, ou juste un nom au hasard (que je trouvais d’ailleurs plutôt original). Mais à chaque fois que j’interrogeais une connaissance intime à ce sujet (je dois vous avouer, que je ne suis pas un snob à voitures : je n’ai, pour des raisons tangibles, même pas le permis nécessaire pour piloter une telle mécanique), celle-ci n’avait pas la moindre idée de quoi je parlais.  C’est alors, en croisant un de ces engins – qui ont l’air fort confortables – sur une autoroute, qu’un bon ami m’informa qu’il s’agissait de la marque Audi et que les quatre « O » alignés n’étaient qu’une sorte d’emblème, un accessoire de carrosserie. J’aurais préféré garder mon appellation à moi : de Audi à Aldi, il n’y a qu’un minuscule petit pas…

    Entre-nous, je m’en préoccupe vraiment très peu, de mes maladresses verbales et vestimentaires. A quoi bon, à tout prix, vouloir suivre le protocole, jusqu’à ce que stress ensuive ? Vous, chères lectrices et chers lecteurs, vous savez bien qui je suis (en l’occurrence, un expert en snobisme) et les autres, ceux qui ne me connaissent pas, franchement, dois-je me soucier de leur opinion? C’est justement cette angoisse qui engendre maint faux-pas, surtout chez les snobs en herbe ! Alors que le laisser-aller et l’apathie sont toujours de bon ton chez les avancés. Souvenez-vous du scandale créé par le Duc de Windsor, lorsqu’il porta des chaussures en daim avec un costume bleu. A un ignorant qui lui signalait cet impair, un ami du duc répondit : « It would be a wrong if it were a mistake. But the Duke knows better, so it’s all right. » Une des plus charmantes étourderies de son frère, Georges VI (dont le mariage avec une roturière fut toutefois considéré comme « un geste de modernité » et non d’un faux-pas exécrable): un jour, en contemplant les peintures de John Piper, peintre renommé et spécialisé dans les tempêtes de mer, il lui dit : « Vraiment dommage que vous ayez toujours un temps misérable… ».

    En résumant: chaque faux-pas peut être anéanti par la notoriété de celui qui le commet et est incontestablement un moyen permettant d’être remarqué. Certains people en manque d’attention les pratiquent d’ailleurs inlassablement, et souvent d’une manière assez vulgaire. Généralement, il s’agit de "faux" faux-pas (et donc vraiment pas snobs pour un kopeck), afin d’appâter les journalistes. Les pannes rhétoriques (et sincèrement naïves) dans les discours d’Heinrich Lübke, président de la République fédérale d’Allemagne de 1959 à 1969, comptent cependant parmi les embarras politiques les plus célèbres dans la mémoire des Allemands de cette époque. Son faux-pas le plus mémorable date de 1962 en visite à Libéria, où il commença un discours avec les mots : « Mesdames, Messieurs, chers nègres…. » 

     

     





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