• Jardinage snob (3)

    Avant de commander une quinzaine de marronniers centenaires ou une équipe de rocailleurs, sachez qu’il faut également prendre en considération sa taille (celle du jardin !).

    Nous aimons beaucoup le jardin à la française, de préférence avec une allée au gravier agréablement grinçant lorsqu’une voiture élégante s’approche de la maison. Inlassablement snob reste toutefois le jardin anglais, emblème de la nature harmonieuse et de la mélancolie. Le premier jardin à l’anglaise sur le continent fut également l’oeuvre d’un prince allemand. L’ambiance à Wörlitz est toujours délicieusement DDR, mais les murailles (en lave authentique du Vésuve), les petits temples et demeures du domaine (variant du classique au gothique flamboyant) ont tous été rénovés par l’Unesco.

    Le nain de jardin est également allemand. Pour votre gouverne : les plus anciens survivants (en marbre, sculptés à la fin du XVII siècle) se trouvent dans le parc du château Mirabell à Salzbourg en Autriche. En 1744, deux grandes manufactures se vantent de leur production de nains de jardin : la très prestigieuse Manufacture de Meissen et la Manufacture de la Cour Impériale de Vienne afin de faire face à l’énorme demande, car chaque aristocrate en voulait dans son jardin de plaisance. Vingt et un nains s’établirent même en Angleterre, dans les buissons de Camport Hall, la demeure élégante de Sir Charles Isham. Lui aussi s’en vantait !

    C’est seulement au moment où sa fabrication devint industrielle et qu’il envahit chaque jardin d’ouvrier que le nain de jardin tomba littéralement de son piédestal. Pendant des longues décennies, il resta le symbole de la petite bourgeoisie et du mauvais goût.

    Désormais, grâce à Susan Sontag et Jeff Koons, le nain de jardin a reconquis son snob-appeal. Mais pour combien de temps ?