• Beatrix des Pays-Bas se soucie de vous, chère lectrice et cher lecteur, vous qui passez votre temps derrière votre ordinateur. Elle pense que cela est néfaste pour votre vie sociale et mondaine. Elle éprouve apparemment aussi de la pitié pour ceux qui sont inlassablement collés à leurs téléphones mobiles, leurs I-pods et I-phones.  Il faut dire qu’elle est assez réputée pour son attitude parfois brute et impertinente. Pourtant, dans sa jeunesse, elle fut souvent appelée « Princesse Sourire ». Ce trait de caractère hautain est probablement un héritage d’une de ses ancêtres, la grande-duchesse russe Anna Pavlovna, qui occupa avec son époux le trône néerlandais au début du 19ème siècle. Selon les chroniques, elle traita même sa belle-fille, pourtant une princesse allemande et une fille de sa sœur, avec un fort dédain. Cette dernière demanda d'ailleurs à être inhumée dans sa robe de mariée, prétendant qu’elle avait cessé de vivre le jour de son mariage. Les Russes ont indubitablement un sens inné de la tragédie. Or pendant son séjour terrestre dans les méandres et les polders, cette Sophie de Wurtemberg alléguait sans la moindre gêne, que son mari était inapte et qu’elle ferait une bien meilleure régente que lui. Il est vrai que le New York Times de l’époque considérait son époux, Guillaume III comme « l’être le plus dépravé de notre temps ».  Par surcroît, après la mort de son épouse, ce roi envisagea sérieusement de se remarier avec une barmaid américaine puis avec une chanteuse d’opéra parisienne qui n’est même pas référencée par Wikepedia ! Quant à la presse néerlandaise, elle surnomma son souverain le « Roi Gorille ».

    Cela vous rappelle peut-être certaines péripéties d’Elisabeth II d’Angleterre, de son mari surnommé « Duke of Hazard » (« hazard »  est anglais pour « bévue » ou « faux-pas »), de sa feue bru ou de son fils au sobriquet fort nuisible de « Prince Tampon ». La pauvre souveraine britannique a été obligée de mettre beaucoup d’eau dans son gin, à l’instar de sa collègue au royaume des Néerlandais, dont les brus ont également toutes des origines roturières : une fréquentait même un « baron » de la drogue avant de se fiancer au prince. Heureusement que les morts ne sont pas réellement capables de se retourner dans leurs tombes, car maint sarcophage royal aurait été abîmé. Néanmoins, même si nos reines actuelles doivent se montrer plus souples, elles restent incontestablement des snobs conservatrices : lorsqu’on représente la tradition, le protocole et l’étiquette, on n’a guère le choix, n’est-ce pas, Madame la Baronne ? Ainsi, les monarques progressistes appartiennent à une espèce plutôt rare. Certes, les livres d’histoire mentionnent quelques despotes éclairés (dont Catherine II de Russie, l’ancêtre des reines néerlandaises évoquées), mais leurs réformes et mesures servaient en premier lieu leurs propres intérêts. Frédéric II de Prusse, par exemple, grand snob, était non seulement le plus grand agriculteur de son pays, mais aussi son principal banquier…

    Hélas ! dira mainte majesté, ces temps-là appartiennent au passé. Aujourd’hui, les rois et les reines ont la vie pénible : les gouvernements leur demandent sans cesse de justifier leurs vacances, leur personnel, la moindre dépense. Or, inlassablement suivis par les paparazzi, il est quasiment impossible d’avoir un peu de privacy pour s’adonner à des dépenses délicieusement inutiles et des frivolités généralement interdites à une famille royale. Nonobstant, et contrairement à Beatrix qui boude toutes les merveilles électroniques de notre époque, Elisabeth II, sans doute forcée par ses conseillers en relations publiques qui veillent sur la renommée de la monarchie, s’est offerte « une page » sur Facebook. La reine anglaise se veut donc très contemporaine et moderne, notez toutefois qu’il est inutile de se précipiter : vous ne pouvez pas vous y inscrire comme son « ami ». Et pour cause : considérant le nombre de ses sujets dans le Commonwealth, elle aurait eu 1.921.974.000  « amis » dans les 24 heures qui suivent! Les logiciels de Facebook qui explosent, la reine persécutée par ses avocats féroces comme la pire des terroristes : imaginez le drame ! 

    N’allez toutefois pas croire que c’est par sympathie pour Beatrix que je ne suis pas inscrit sur Facebook : je certifie que ma vie mondaine n’a nullement souffert  de mes villégiatures sur la toile.  Je rappelle simplement un fait incontournable à la souveraine britannique: "Madamela popularité est un snobbery-killer par excellence!" 

     


  • Même lorsque Gandhi était devenu mondialement célèbre, il continuait à vivre dans un understatement complet : il ne portait qu’un simple dhotî, il ne buvait que du lait de chèvre et dormait toujours dans les bidonvilles. Forcément, garantir la sécurité de Gandhi, qui se mélangeait toujours avec les plus miséreux et ne voyageait qu’en wagons de troisième classe, était un véritable casse-tête. Un de ses gardes du corps remarqua légèrement énervé : « Gandhi n’a pas la moindre idée combien cela coûte pour qu’il puisse mener sa vie de pauvre. » 


  • C’est en 1963 qu’Henry Ford II, alors président du conseil d’administration et P.D.G. de la Ford Motor Company, se rend dans un village hollandais afin d’y assister au largage de son nouveau yacht. Avant de m’accuser une nouvelle fois de patriotisme, je précise qu’à cette époque, tous les millionnaires américains snobs commandaient leur bateau de plaisance aux Pays-Bas. Je souligne également (sans doute à cause du penchant calviniste des plombiers bataves qui désapprouve fortement le « bling-bling ») que les robinets en or pour les salles de bains étaient fabriqués aux U.S.A.. Les plans du yacht avaient été tenus secrets, car Monsieur Ford était très paranoïaque et frémissait à l’idée que quelqu’un les fit exécuter en plus spacieux. Nonobstant, dans une interview publiée par un grand quotidien néerlandais, son décorateur dévoila que, pour réussir la patine moelleuse donnant aux ornements des cabines un aspect usagé et décrépit, il avait ajouté un peu de bière blonde à la dernière couche : « Je fais toujours ça pour les millionnaires : ils ont horreur de la peinture neuve ».  

     


  • Le roi Philippe le Bel alla en Flandres en 1301, suivi de son épouse Jeanne I de Navarre, comtesse de Champagne, et de toute sa cour. Ils y furent reçus avec une grande joie paraît-il, et surtout avec une grande magnificence. En faisant son entrée à Bruges, la reine fut tellement surprise du luxe des habitants de cette ville, qu’elle s’écria avec une pointe de jalousie: « J’avais cru paraître ici comme la seule reine qu’il y eût, mais j’y trouve plus de six cent femmes qui peuvent me disputer cette qualité par leur parure et par la richesse de leurs habits. »

    On peut très bien imaginer le choque de cette pauvre Jeanne! Après avoir mis au monde trois rois de France et de Navarre (Louis X, Philippe V, Charles IV) et  une reine d’Angleterre (Isabelle de France), il y avait de quoi d’être agacé par ces citadines flamandes qui profitaient de l’industrie textile, faisant alors la prospérité de leur province. Or, l’année suivante, en 1302, l’exaltation flamande pour ses souverains français avait totalement disparu. Et pour cause ! La bataille de Courtrai, également connue comme la bataille des éperons d'or, opposa Philippe le Bel et le comte de Flandres : les artisans tisserands flamands (qui utilisaient surtout de la laine importée de Grande-Bretagne) estimaient que les impôts levés par le roi français afin de contrarier ses ennemis anglais, étaient trop élevés.

    Il faut dire qu’en France, à ce moment-là, le snobisme à l’attitude « m’as-tu-vu » était interdit aux bourgeois. Car c’est en 1294 que Philippe le Bel avait promulgué une loi somptuaire qui réglait la table, les habits, la dépense, et fixait les bornes dans lesquelles chacun devait se tenir selon son état. Par exemple, il fallait être duc, comte ou baron pour se donner, à soi-même et à sa femme, quatre robes par an : « Nulle demoiselle, si elle n’est châtelaine ou dame de mille livres de terre, n’en aura qu’une. » Le prix qu’on autorisait de mettre aux étoffes était « dix sous l’aune de Paris », jusqu’à vingt-cinq ; seules les dames de qualité avaient le droit d’y mettre jusqu’à trente sous, et de prendre de la toile à « un sou huit deniers l’aune ». Quant aux "vilaines" (on nommait ainsi les femmes d'une naissance obscure, et "vilains" les hommes), il était ordonné qu’elles étaient privées de chars, qu’elles ne se feraient pas conduire le soir avec une torche de cire, qu’elles ne porteraient ni vert, ni gris, ni hermine, ni or, ni pierres précieuses, ni couronnes d’or ou d’argent. Avouez, que c’était une raison très valable pour faire ses valises et d’émigrer en Flandres sur-le-champ !

    D’ailleurs, cette même loi ne permettait que quatre plats pour les jours de jeûne, et trois pour les  autres jours, et défendait de mettre plus d’une sorte de viande ou de poisson dans un même plat ! Ainsi, au royaume de France et de Navarre, le délicieux waterzoi de poissons à la gantoise (avec des moules, crevettes grises, filets de sole, de lotte, de barbue et de Saint-Pierre) était strictement prohibé….  

     


  • La princesse autrichienne Pauline von Metternich entra dans l’Histoire grâce à ses salons parisiens littéraires, les plus fameux du Second Empire et copiés par toute l’aristocratie européenne, où elle reçut les grands artistes de son époque tels Alexandre Dumas et Franz Liszt. Elle était également amie de Napoléon III et de son épouse Eugénie, auxquels elle fit connaître les talents de Richard Wagner et du grand couturier anglais, Charles Frederick Worth. 

    De retour à Vienne, elle se chargea volontairement de la Cour de l’impératrice Elisabeth, qui détestait toute mondanité, et qui, selon Pauline, n’avait pas assez de prestige, puisqu’elle appartenait à une branche plutôt insignifiante de la maison royale bavaroise. Ainsi, Pauline prit en main l’organisation des fêtes et réceptions au château de Schönbrunn et l’introduction des nouvelles modes vestimentaires en Autriche. En France, l’impératrice Eugénie dictait la mode, mais à la capitale autrichienne, c’était Pauline ! Elisabeth la laissait faire, mais se moquait toutefois ouvertement de cette princesse qui se maquillait, à son goût, beaucoup trop. Pauline reprit également ses activités de teneuse de salon avec la haute noblesse autrichienne du moment, mais y convoqua également des représentants de la « Zweite Gesellsschaft » (la « deuxième société »), des commerçants et fonctionnaires fraîchement anoblis tels les membres de la maison Rothschild. Certaines valeurs semblaient déjà en perdition !

    Et le pire était encore à venir ! D’ailleurs, quelque temps après, lorsque Pauline voyage pour la première fois en train sans dame de compagnie, et un voyageur avec qui elle partage le compartiment lui demande poliment, si la fumée de son cigare la dérange, la princesse répond : « Je ne sais pas, parce que jusqu’à aujourd’hui, personne n’a jamais osé fumer en ma présence…. » 





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