• Déco snob

    Dans « Maigret tend un piège » (1955) l’assassin, le décorateur Marcel Moncin, tue cinq Parisiennes. C’est beaucoup. Mais cela s’explique, car selon notre cher commissaire (après avoir consulté un psychiatre) son motif serait : se sentir exceptionnel ! Heureusement que je suis là aujourd’hui, afin de vous éviter la réputation d’un serial killer, car tel est également l’objectif de mon blog : se distinguer de tout ce qui est commun et médiocre. 

    Quant au métier de « décorateur » (pour lequel à l’époque de Maigret, on n’avait nullement besoin d’un diplôme), les choses ont peu changé. Selon la rubrique Journal of a Collector de mon collègue Alistair McAlpine (publiée dans The World of Interiors), depuis la moitié du XX siècle, des milliers d’amateurs se sont octroyés cette appellation : « La majeure partie était inspirée par une expérience personnelle, après avoir transformé sa propre maison en arbre de Noël, ornée de ses propres collections. (…) Cependant, il y a une vaste différence entre arranger harmonieusement vos propres objets et faire la même chose pour un étranger ».

    Or le chroniqueur nous met en garde contre ces charlatans dont le nombre ne cesse d’augmenter. En effet, ces dernières années, beaucoup de bourgeoises lassées par leurs ménages ont attrapé « le virus de la décoration intérieure » et proposent un « relooking » (j’ai toujours détesté ce mot) de votre maison avec l’aide d’ouvriers souvent « aussi ignorants » qu’elles-mêmes. De l’orchidée dans la salle de bains (on en imprime maintenant, selon une fidèle correspondante, carrément sur les rideaux de douche pour ceux qui n’ont point la main verte ou pour les foyers économiquement faibles) aux trois douzaines de  bougies alignées dans une fausse cheminée, en passant par les « stickers » aux cadres baroques : les clichés ne manquent pas. Ainsi, au lieu d’une « signature unique », vous vous trouvez, dans le pire des cas, avec des murs qui s'écroulent ou des papiers peints qui vous donnent une mine épouvantable. 

    Soyez donc prudents et suivez les conseils du baron McAlpine of West-Green. Sinon, votre chantier risque de se terminer dans un bain de sang et vous probablement au Centre Hospitalier Saint Anne, qui est, faut-il le préciser, loin d’être un « cinq étoiles » décoré par Jacques Garcia….

    PS: Pour en savoir plus, si vous êtes fan de Simenon ou si, par malchance, vous êtes emprisonné, relisez mon édito snob du 31 août 2010.